Start-up éco-responsable, Fairly Made est née il y a 5 ans. A cette époque, Laure Betsch est acheteuse pour une grande marque de prêt à porter, et son amie Camille Le Gal commerciale à Hong Kong. Elles se posent alors des questions sur les vêtements qu’elles portent et leur histoire. Le constat est sans appel : il est compliqué voire impossible de retracer leur histoire. Un bilan d’autant plus déroutant que les deux amies travaillent dans le secteur de l’habillement!
Cette simple discussion a donné vie à un projet d’envergure: aider les entreprises à développer des collections textiles durables en améliorant leur sourcing matière et en sélectionnant des chaînes de production traçables et engagées.
Un défi: comment faire mieux ?
Camille et Laure se sont lancées dans leur projet avec une idée en tête « Qu’est-ce que nous pouvons faire de mieux pour connaître l’histoire de nos vêtements et acheter des collections responsables à partir de matières à faible impact ? ». Objectif: trouver et créer une solution pour faciliter le travail des marques et les aider à enclencher une transition durable.
Toutes deux avaient de nombreuses expériences dans le domaine de la mode, que cela soit dans des grandes marques de prêt à porter, des petites maisons premium ou marques de luxe. Ce background professionnel leur a permis de penser tout d’abord à une solution adaptée aux fonctions des métiers d’acheteuses, chefs de produit, designers, pour faciliter leur transition vers plus d’écoresponsabilité. Elles ont alors tout d’abord essayé de remonter les chaînes de production de la confection jusqu’aux matières premières afin de trouver quels étaient les éléments à faire évoluer pour arriver à leurs fins. « Cela a été très compliqué de remonter la chaîne de valeur dans ce sens-là. Nous avons pris le problème un sens inhabitiel, et demander aux usines des informations qu’elles n’ont pas l’habitude de fournir ou d’enregistrer est très complexe.»
Un contexte d’autant plus difficile qu’il y a deux ans, peu nombreuses étaient les marques de prêt-à-porter avec un budget dédié à la responsabilité sociale et environnementale (RSE); les jeunes entrepreneuses ont donc adopté une stratégie pragmatique en leur proposant directement un produit fini, une solution adaptée aux habitudes d’achat et au fonctionnement des entreprises. « Nous partons des matières premières jusqu’à la confection pour trouver des partenaires qui respectent nos critères d’engagement. Ensuite, nous proposons aux marques des produits finis qui sortent tout droit de nos chaînes de production. En gardant ce fonctionnement, nous fabriquons toujours des produits mais nous connaissons l’histoire et maîtrisons l’impact. »
Un challenge: sélectionner les usines les plus engagés et responsables
Permettre aux marques de travailler sur des vêtements et accessoires traçables et engagés suppose nécessairement d’aller à la rencontre des différentes usines et ateliers de fabrication « Nous ne nous contentons pas de visiter un seul maillon de la chaîne, nous allons en profondeur. Nous allons à la rencontre des fermiers, des filateurs, des teinturiers, des tisseurs, des confectionneurs pour comprendre quels sont leurs enjeux métiers dans un premier temps. Ensuite, lorsqu’ils font partie de notre réseau de partenaires, nous les aidons à toujours respecter le niveau de conformité que nous avons définis ensemble ».
Pour la sélection de leurs usines partenaires, Camille et Laure travaillent avec une grille de critères et de certificateurs partenaires. La grille permet de lister des critères sociaux, environnementaux essentiels, et de calculer un indice de traçabilité et de durabilité. « Notre grille a été une des piliers de la création de l’entreprise. Elle nous permet d’avoir un regard à 360° sur les usines et de suivre l’évolution de notre réseau de fournisseurs».
Les deux fondatrices mettent ainsi un point d’honneur à visiter elles-même les usines partenaires « Nous racontons et nous argumentons sur ce que nous voyons, ce qu’il se passe réellement sur le terrain, pour sensibiliser les marques et qu’elles sensibilisent à leur tour leur consommateur. »
Un objectif: transformer l’impact des marques et de l’industrie textile
La mission de Fairly Made est d’améliorer la condition sociale des travailleurs de l’industrie textile, de réduire son impact environnemental, de la rendre plus vertueuse. Pour la remplir, Laure et Camille ont décidé de miser sur le levier B2B. « Nous travaillons sur de gros volumes afin de remplir notre mission de la façon la plus ambitieuse possible. Ainsi, nous avons mis en place un outillage industriel avec des capacités de production importantes. »
Le service proposé par Fairly Made se décompose en plusieurs outils. Tout d’abord, la bibliothèque matières permet de présenter aux marques le savoir-faire des usines Fairly Made et de prouver que le rendu est similaire à ce que les marques pouvaient faire avant. « Nous avons développé un maximum de matières non mélangées », l’idée étant de penser dès la conception des produits à leur recyclabilité future. Or aujourd’hui encore, les mélanges de matières type coton/polyester rendent le recyclage des vêtements très compliqué avec les technologies actuellement disponibles.
Grâce à cette bibliothèque, Fairly Made propose des Workshops, intégrant une phase de formation des marques sur l’impact des fibres textiles et leurs alternatives durables . «Nous les aidons à se former sur l’impact de l’industrie textile : connaissance des filières, compréhension du nombre d’acteurs et des différents enjeux de chaque étape de fabrication au niveau social et environnemental. ». La deuxième phase du workshop est une mise en pratique, une mise en situation : « Nous étudions tous les matériaux de la bibliothèque, puis nous les utilisons pour créer des collections pour les marques ».
Autre outil mis à disposition par la start-up, Fairly Made Prod est le réseau de partenaires industriels engagés sur le plan social et environnemental. Ces usines et fournisseurs sont certifiés ou labellisés.
Fairly Made veut à travers ses outils recréer du lien entre les acteurs industriels et les consommateurs. « Pour cela nous avons créé les fiches produit numériques, sur lesquelles se trouvent un QR code qui permet de connaître l’histoire du vêtement : la matière choisie, un film explicatif du travail effectué avec la marque, un debrief sur la traçabilité et un dernier point sur la recyclabilité du produit. »
En 2021, Fairly Made sortira son troisième outil, Fairly Made Tracer. Inspiré par les demandes de leurs marques partenaires, la start-up est en train créer une plateforme digitale qui permettra de mesurer l’impact des vêtements et de l’activité des fournisseurs textiles. Cet outil permettra de faire ressortir des points de vigilance, des bonnes pratiques et une mesure globale d’impact évaluée selon les dimensions sociales et environnementales, la durabilité du produit et la transparence.
-30/09/2020-
Visuels: Fairly Made