Mode in Textile

Dominique Jacomet, Directeur général de l’Institut français de la mode (IFM)

Fondé il y a plus de trente ans par les professionnels avec le soutien du Ministère chargé de l’Industrie,  l’Institut français de la mode (IFM) est un établissement d’enseignement supérieur intégrant également un centre de formation continue et d’expertise pour les industries du textile, de la mode, du luxe et du design. A sa tête Dominique Jacomet, directeur général depuis 2007, diplômé de Sciences-Po Paris et docteur en sciences de gestion de l’Université Paris-Dauphine.  Ancien dirigeant au sein de fleurons de l’industrie textile française mais également auteur et enseignant , Dominique Jacomet a par ailleurs été Président d’Euratex et vice-président de l’Union des Industries Textiles (UIT).  Un parcours professionnel riche en expériences, qu’il met au profit des étudiants de l’IFM aujourd’hui. La formation au sein de la filière textile, mode et habillement étant actuellement en pleine effervescence, Dominique Jacomet nous parle aujourd’hui d’excellence française, de partenariats, et de tendances de mode.

Pour sa troisième édition, le classement annuel dévoilé cette année par The Business of Fashion a vu l’IFM se classer premier mondial pour les programmes de Management de la Mode, et deuxième mondial pour les programmes de Création de Mode (catégorie Masters). Quels sont selon vous vos atouts majeurs par rapport aux autres écoles prestigieuses présentes dans ces classements ?

L’aspect professionnalisant de notre cursus est vraiment notre atout majeur reconnu.  Nous avons bien évidemment travaillé et fait évoluer les contenus et programmes pédagogiques de nos formations, mais ce qui apparaît comme le facteur majeur de différenciation, c’est l’employabilité de nos étudiants. Le cycle d’enseignement supérieur effectué à l’IFM est, selon nos étudiants et de façon concrète, un réel atout pour accéder rapidement à un emploi.

Et cette employabilité est internationale. L’IFM est  un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat et qui délivre les diplômes visés par celui-ci.  Il accueille aujourd’hui plus de 40 nationalités et environ 45% de nos étudiants sont internationaux, ce qui nous a conduit à développer de nombreux programmes d’enseignements en langue anglaise. Les étudiants anglophones quant à eux apprennent la langue, la culture et la civilisation françaises.

Le programme de Management (diplôme visé) a été fondé en 1986, le programme de Création (diplôme visé) a été mis en place plus récemment, en 2000. C’est une fierté de le voir apparaître au 2ème rang du classement du Business of Fashion.

L’IFM a développé des partenariats en France et à l’étranger, avec de grandes écoles de management et de mode, mais aussi avec l’Ecole 42 de Saint Etienne, l’incubateur parisien Station F…  Pourquoi avoir inscrit le partenariat et l’échange dans l’ADN de l’IFM ?    

La mode est une industrie créative, ce qui implique de rester le plus ouvert possible sur le monde, de développer la curiosité. Le monde est en mutation, notamment du fait de la transformation numérique, d’où des partenariats importants comme celui établi avec l’Ecole 42 et Station F.  L’entrepreneuriat est également très important, et nous accompagnons nos étudiants à travers un programme spécifique, qui s’adresse à de jeunes professionnels, et qui s’appelle IFM Label. Nous accompagnons ainsi 6 jeunes entreprises chaque année dans leur développement.

L’ouverture sur les autres écoles est indispensable. A l’étranger, nous avons plusieurs partenaires, comme le FIT New York avec qui nous avons lancé le programme « Executive MBA », mais aussi le Saint Martins à Londres, le  London College of Fashion, l’ISEM/Université de Navarre à Madrid, l’Université Bocconi de Milan, l’Université Tsinghua de Pékin, et l’Ecole Supérieure des Affaires (ESA) de Beyrouth.

En France, nous avons créé un parcours doctoral avec l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, une première avec la mention « Théories et Pratiques de la mode » en Histoire de l’art, Esthétique et Design, Gestion, et Droit.  Avec l’ENSAIT de Lille, nous co-accréditons un Master spécialisé « Management et innovation dans la mode », car tout comme nous travaillons avec l’IFTH, nous insistons pour que nos étudiants soient au plus près de l’innovation technologique, des nouvelles matières, des nouveaux procédés. Ils doivent avoir connaissance du processus complet de création, de fabrication, de tous les aspects logistiques, de la chaîne de valeur complète car ce sont de futurs prescripteurs pour l’industrie textile.

De la même façon, nous travaillons avec les entreprises, afin de développer cette employabilité que nous avons déjà citée. Celles-ci sont très présentes au sein des différentes instances de l’IFM (Conseil d’administration et Conseil des affaires académiques), et nous avons un Cercle de mécènes qui finance des bourses sur critères exclusivement financiers, ce qui permet d’enrichir la diversité de l’Ecole. Cette présence nous permet d’être au plus près des besoins des entreprises. Il y a de nombreuses interventions de dirigeants et de représentants du monde professionnel, des stages sont proposés, tout cela crée beaucoup de contacts, ce qui nous est essentiel pour une école d’application.

Cela a été rappelé lors du récent Forum de la mode, une grande école de mode unique se prépare à Paris pour 2019. Vous co-dirigez le comité de pilotage en charge de ce rapprochement entre l’IFM et l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l’avancement de ce grand projet ?

Nous sommes dans la phase de préparation du rapprochement pour créer le nouvel Institut Français de la Mode , secteur représentant pour rappel 150 milliards d’euros de chiffre d’affaires, un million d’emplois directs et indirects, 1,7 % du PIB national.

En réunissant l’IFM et l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne (ECSCP), sous l’égide de l’IFM, nous proposerons tous les niveaux de formation du CAP au Master et au nouveau doctorat. Les premières manifestations concrètes de ce projet apparaîtront lors de la rentrée, avec notamment un nouveau bachelor en création de mode, et de nouveaux masters.

D’autre part, l’annonce récente de la création  de la Conférence des écoles supérieures de mode (Cesum) est positive car nous avons besoin de créer un processus très clair d’accréditation des formations pour les rendre lisibles et visibles, notamment à l’international.

Entre des marques de mode et de prêt-à-porter qui ont de plus en plus de mal à séduire, l’offensive d’un Amazon et de ses suiveurs, un consommateur en quête de sens, d’éthique et de rêve, faut-il finalement réinventer la mode pour mieux répondre aux besoins du marché ?

Notre séminaire annuel Perspectives Internationales Mode & Textile IFM s’est tenu à Paris le 7 décembre dernier. Ce qui est à retenir, même si les variations mensuelles sont fortes, c’est que la tendance générale de la consommation s’est réorientée de façon positive cette année pour la première fois depuis 2007. Nous sentons un certain regain de la consommation et les touristes sont de retour.

Nous donnons également des éléments de réflexion sur les mutations en cours qui sont tout à fait considérables, avec Amazon et d’autres, les nouveaux contenus technologiques, le « phygital », le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises. La mode est touchée par les mutations car très proche du consommateur. Nous ne proposons pas de modèle à suivre pour le futur, il en existe une pluralité et chacune des entreprises trouve son positionnement en fonction de ses caractéristiques (« No best way »). Une seule certitude cependant, la nécessité de se remettre en cause pour chacun des acteurs, de bouger, de s’adapter. Rien n’est acquis !

On parle aujourd’hui beaucoup de Fashiontech, de matières textiles alternatives, d’impression 3D, de personnalisation… quelles sont les innovations qui pourraient selon vous profondément influencer l’industrie du vêtement dans prochaines années ?

Nos étudiants montrent un grand intérêt pour tout ce qui touche le digital, le phygital, l’usine 4.0, autant que pour le produit, la qualité et le savoir-faire traditionnel. Cela pourrait sembler paradoxal, mais plus ils sont à l’aise avec le numérique, plus ils s’intéressent au produit, à sa fabrication, à la qualité! Combiner au mieux savoir-faire traditionnels et nouvelles technologies  est au cœur de leurs préoccupations. L’utilisation des outils permet de mieux cibler les besoins des consommateurs, et il est nécessaire de savoir les utiliser de manière intelligente. Et nous organisons par ailleurs une semaine du développement durable de façon annuelle, car c’est une des autres grandes préoccupations de la jeune génération, des managers aux designers.

 Et vous, quel est votre dernier coup de cœur textile & mode ?

Il concerne le textile :  ce sont les nouvelles possibilités de l’impression numérique sur textile.  Un réel cap a été franchi dans ce domaine, ouvrant de nouvelles voies de création et de fabrication.

C’est aussi la capacité des entreprises françaises d’allier héritage et innovation.

 

Propos recueillis par N.Righi – Décembre 2017