À la ville, à la montagne ou encore à la campagne, elle est réputée non seulement pour ses propriétés thermiques mais aussi pour son esthétique. Elle se décline courte, cintrée, oversized, avec ou sans manches, portée sous un manteau. Elevée au rang de produit de luxe par Moncler, très présente en ce début d’année lors de la Fashion Week Homme de Paris, on a notamment vue la doudoune en version longue et imprimée chez Fendi, façon armure chez Louis Vuitton, asymétrique chez Dries Van Noten, et même détournée en pantalon chez Off-White.
On considère que la doudoune a été inventé par Eddie Bauer en 1936 et brevetée en 1940: elle est alors matelassée et rembourrée de duvet d’oie, matériau aux propriétés thermiques alors sans égales, et dont l’usage était jusque-là réservé à la literie.
Alors que la fourrure est progressivement abandonnée par la plupart des maisons de couture et de prêt-à-porter, l’utilisation et la fabrication de duvet d’oie demeure un problème aux yeux des consommateurs, dont l’intérêt pour la condition animale et des modes de consommation plus durables et éthiques s’est accru. Si l’industrie agroalimentaire est régulièrement dénoncé pour ses pratiques discutables en matière de production, et notamment d’origine animale, l’industrie de l’habillement n’est pas en reste.
Prise de conscience et prémices du changement
En 2014, un scandale éclate après la diffusion d’un reportage révélant l’envers du décor dans une usine hongroise de production de duvet : les oiseaux sont plumés vivants, or le plumage sur animaux vivants est interdit par la Convention européenne sur le bien-être animal du 22 décembre 1999. Pourtant, la méthode du plumage représente jusqu’à 80% de la collecte mondiale de plumes d’après la PeTA et parmi les plus grands producteurs se trouvent la Hongrie, la Pologne, la France pour l’Europe, ainsi que la Chine. Aucun organisme n’a été créé ou chargé de veiller à son respect et cet élément n’échappe pas aux yeux des consommateurs et des associations, telles que 30 millions d’Amis en France ou la PETA au niveau international. A ces associations s’ajoutent également des blogs de consommateurs tels que vegan-pratique.fr, dédié au mode de vie végétalien, ou encore HappyNewGreen.com centré sur les questions de “conscious fashion”.
Quelles sont alors les alternatives au duvet d’oie qui, de la literie à l’habillement, ont fait leurs preuves en termes de chaleur et de confort ?
Le synthétique s’affirme comme relais de croissance
La firme PrimaLoft, fondée aux Etats-Unis en 1983 a breveté un certain nombre de technologies et de fibres isolantes, et collabore désormais avec plus de 500 marques, dont de grands noms de la doudoune telles que Patagonia, The North Face, Eddie Bauer ou encore L.L Bean. The North Face par exemple utilise la fibre ThermoBall™ et d’après leur site « contrairement au filament continu des isolations synthétiques traditionnelles, les fibres synthétiques PrimaLoft®, fines et rondes, se rapprochent des fibres du duvet et retiennent la chaleur dans de petites poches d’air ».
Pour autant The North Face n’a pas entièrement renoncé au duvet d’oie, mais la marque s’est engagée sur la traçabilité des duvets et plumes d’oie dans sa chaîne d’approvisionnement, en créant en collaboration avec l’ONG Textile Exchange le label Responsible Down Standard en 2014 afin de garantir que le duvet utilisé pour ses doudounes et parkas ne soit pas issu d’animaux ayant subi des traitements cruels comme le gavage ou la plumaison à vif. De même Patagonia et l’organisme de certification NSF International ont créé en 2015 le label Global Traceable Down Standard (Global TDS), reprenant des principes similaires.
PrimaLoft n’est pas la seule marque à s’être intéressée à ces nouvelles fibres. La marque Napapijri, fondée en 1987, a fait le choix en 2015, sous l’impulsion de sa société mère VF Corporation – engagée récemment dans une stratégie d’Animal Welfare Policy – de renoncer à terme au duvet d’oie. Afin d’assurer l’isolation thermique de ces doudounes, elle fait alors appel à un rembourrage de boucles interconnectées de fibre comfortemp® Fiberball, issues de la technologie Thermo-Fibre® développée par la Freudenberg Performance Materials Holding SE & Co.
Au-delà de considérations morales, les technologies développées ont bien entendu fait leur preuve en matière d’isolation, et ont des qualités équivalentes voire supérieures au duvet, empêchant par exemple la prolifération d’acariens, et résistant également beaucoup mieux à l’humidité. Ces fibres synthétiques sont également moins coûteuses, et sont pour la plupart recyclables. Dans le cas de PrimaLoft, comme le rapportent les journalistes Isabelle Coune et Christine Riste dans une enquête réalisée pour la version en ligne du Figaro et publiée le 5 janvier 2017, « des essais réalisés par l’université du Kansas ont démontré que ThermoBall™ procure une chaleur équivalente à celle d’un duvet d’oie et a un pouvoir gonflant de 600 cuin. Il associe ainsi la légèreté, le pouvoir gonflant, les propriétés thermiques et la compressibilité du duvet à la protection contre l’humidité des fibres synthétiques.»
Et les initiatives et innovations sont nombreuses. DuPont Industrial Biosciences et Thindown by NIPI viennent par exemple tout juste d’annoncer une collaboration pour créer une nouvelle matière isolante pour remplacer le duvet traditionnel lors de l’Outdoor Retailer la semaine dernière des États-Unis.
Et pour demain, du naturel et/ou du recyclé ?
D’autres entreprises se sont quant à elle spécialisées dans la fabrication de doudounes sans duvet, et sont mises en avant par des sites tels que happynewgreen.com. On peut citer par exemple, Save The Ducks, qui a développé une technologie, PLUMTECH® fabriquée à partir de polyester recyclé et certifiée végane par la PeTA. D’autres marques se sont vues également remis la certification par l’association, telles que Bleed, Vaute ou encore Hoodlamb, cette dernière se faisant notamment remarquée pour son usage du chanvre.
Si les matériaux synthétiques sont actuellement les alternatives les plus répandues dans la fabrication de doudoune, satisfaisant consommateurs et producteurs, on notera également que les fibres végétales telles que le kapok, réputé pour son imperméabilité et son imputrescibilité, offrent un nouveau champ de perspective et d’innovation pour l’industrie textile en matière de doudounes.
-04/02/19-