Cela a sonné comme une alerte sur la planète mode cette semaine : Louboutin, le chausseur qui fait rêver les fashionnistas, sort une gamme de souliers pour bébés. Des petits chaussons de cuir à semelles rouges, comme celles des stilettos qu’arborent les longues jambes de maman. Adorable. Inattendu aussi. Enfin, pas tant que cela en réalité. Depuis une dizaine d’années en effet, les enfants sont devenus la nouvelle cible de la mode de luxe.
Le luxe pour enfant, pas si récent
L’idée ne date pas d’hier. En 1906, Jeanne Lanvin avait déjà pensé à miniaturiser les modèles adultes de ses collections pour habiller sa petite fille. En 1957, la princesse Caroline de Monaco fut, un peu malgré elle, la première égérie Baby Dior. Grace Kelly lui avait en effet commandé des robes sur mesure. La maison de couture lançait sa gamme baby dix ans plus tard. Il faudra attendre 1975 pour voir apparaître plus de diversification dans le vestiaire des petits avec la naissance de la maison Bonpoint. Et puis… plus rien.
Quelques créateurs comme Marc Jacobs ou Sonia Rykiel, en 1983, ont bien tenté quelques incursions dans ce marché de niche qu’est le luxe enfantin. Mais on ne peut pas vraiment dire qu’ils aient eu affaire à une concurrence très mordante. La crise de 2008 n’était pas censée développer davantage ce secteur si particulier. Et pourtant.
La mode luxe pour enfant, un secteur en pleine croissance
Les chiffres sont formels, la mode enfantine se porte très bien. Depuis le début des années 2010, la plupart des grandes griffes ont lancé leurs gammes enfant. Le secteur enregistre depuis cette période une croissance de près de 10%. Eric Vallat, PDG de Bonpoint, n’hésite pas à qualifier le créneau “d’amortisseur de crise”. Et si “La mode pour enfants résiste mieux aux aléas du marché.” il y a plusieurs raisons.
D’abord, la mère a son premier enfant à un âge plus avancé. Son pouvoir d’achat est donc plus important et ses exigences supérieures. Ajoutez à cela le taux de fécondité élevé des Françaises. Avec 1,93 enfant en moyenne, il est parmi le plus important d’Europe. C’est autant de ventes supplémentaires, plus rentables pour les marques que les versions originales, puisqu’elles sont bien souvent produites sous licence plutôt qu’en direct.
Par ailleurs, la place de l’enfant dans la société a énormément évolué. L’enfant, roi, est devenu prescripteur. Plus question pour Maman de choisir seule comment habiller son bambin. Il est devenu “l’image sociale de la famille nucléaire, une sorte de mini-me” comme l’analyse Angélique Kosinski Cimelière, pédopsychiatre, dans Libération. Pour ses parents séparés, il est aussi l’outil qui permet de montrer que l’on est un bon père ou une bonne mère. Sans compter que le prix, jusqu’à dix fois inférieur en version enfant, leur permet d’accéder au luxe là où ils n’en auraient pas les moyens pour eux-mêmes.
Les réseaux sociaux changent les comportements vis-à-vis de la mode enfantine
Enfin, l’impact des médias et des réseaux sociaux est loin d’être négligeable. Les enfants de stars, comme North Kardashian, Aila Wang (nièce du designer Alexander Wang) ou encore Suri Cruise, sont devenus de véritables influenceurs, au même titre que le sont leurs parents. Et comme le souligne très bien Anne-Charlotte Vermynck, fondatrice du magazine de mode enfantine Doolittle, auparavant, seul l’entourage proche pouvait constater les efforts des parents pour gâter leur progéniture. A l’heure de la reconnaissance via le “tout en photo”, “tout le monde peut le voir”.
Octobre 2017