Depuis quelques temps déjà, l’industrie de la mode amorce un véritable bouleversement. Agitée par des questions d’éthique et d’environnement, une urgence soulevée par nombre d’organisations, la fast fashion est en train d’atteindre ses limites. En toute logique, les marques réagissent. Certaines se contentent d’opérations ponctuelles en faveur d’une mode plus verte, d’autres s’impliquent réellement et sincèrement, et certaines… hésitent. Les deux géants que sont Nike et Adidas semblent nager en eaux troubles. Dans un rapport publié lundi, ils sont tous deux pointés du doigt quant aux salaires de leurs ouvriers.
Des choix budgétaires surprenants
C’est le collectif Ethique sur l’étiquette, membre de l’organisation Clean Clothes Campaign qui a publié ce rapport. Il y indique de sérieuses dissonances entre leurs ambitions affichées et leurs véritables pratiques. Tandis que Nike vient de rejoindre la Fondation Ellen McArthur pour travailler sur le développement d’un modèle économique circulaire dans l’industrie de la mode, sa gestion budgétaire ne suit pas cette logique. En effet, Nike est à l’origine du premier contrat de sponsoring à vie, signé à hauteur de 21 millions d’euros annuels avec Cristiano Ronaldo. Quant à Adidas, qui met chaque jour en avant son programme de sauvegarde des océans, elle vient de signer un juteux contrat de 65 millions d’euros avec l’équipe de foot nationale pour la coupe du monde. Mais ce n’est pas tout.
Des ouvriers de plus en plus défavorisés…
Selon le collectif, ces deux équipementiers seraient en train de remplacer leurs salariés chinois par des travailleurs indonésiens, cambodgiens ou encore vietnamiens. Le problème étant que les salaires pratiqués en Chine flirtent déjà avec le seuil de revenu vital. En Indonésie, au Cambodge et au Vietnam, ils sont encore plus bas. Les salaires moyens seraient inférieurs de 45 à 65% par rapport au revenu vital. Par ailleurs, depuis 1995, la part reversée aux travailleurs sur les bénéfices a chuté d’environs 30%.
…des athlètes et des actionnaires de plus en plus bichonnés
Des chiffres d’autant plus indigestes pour Ethique sur étiquette que les bénéfices globaux des entreprises grossissent. Suffisamment en tous pour que les montants du sponsoring s’envolent, tout comme les rémunérations des actionnaires. Si les deux marques incriminées assurent respecter “des conditions de travail justes et sûres, ainsi que des salaires équitables”, basés sur des réalités économiques et méritoires, ça ne convainc pas le collectif. Quoi que Nike s’aligne sur les standards de l’Organisation Internationale du Travail, et affirme collaborer avec les ONG, marques, fabricants, syndicats et ouvriers afin d’obtenir “un changement structurel sur le long terme”, les rédacteurs du rapport exigent plus. Ils attendent des pratiques salariales garantissant un revenu suffisant aux travailleurs, sans qui l’impressionnante croissance de l’entreprise serait impossible.
Juin 2018.