Télécommunications, informatique, médecine, éclairage, …la fibre optique est de plus en plus utilisée pour diverses applications. Et s’il en est une qui paraît être particulièrement porteuse d’avenir, c’est le textile. En effet, ce fil très fin qui a la propriété d’être un conducteur de lumière, transmetteur de données, mais qui peut également servir de capteur de données, est intégré depuis quelques années à des tissus de plus en plus intelligents. Retour sur des exemples récents de développements.
En 1999, Elisabeth de Senneville faisait déjà défiler au Louvre des robes brodées de fibres optiques , faisant alors figure de précurseure des textiles intelligents dans l’univers de la mode. La suivait Olivier Lapidus présentant un défilé futuriste avec en point d’orgue une robe de mariée en tissu Jacquard de fibres optiques, entièrement éclairée de LED, présentée dans le noir et réalisée par l’entreprise lyonnaise Brochier Technologies. Aujourd’hui, on retrouve la fibre optique régulièrement sur les podiums des défilés de mode…et même dans la chaussure Choose d’ERAM présentée lors des salons CES de Las Vegas et de Shanghai 2016 et fabriquée en France, qui devient intelligente: grâce à une application et une photo prise sur smartphone, les bandes de fibres optiques tissées sur la chaussure reçoivent des informations et prennent la teinte exacte des vêtements de la photo.
L’Université de Lyon et Brochier Technologies travaillent depuis plusieurs années sur le développement de tissus lumineux pour diverses applications. En incorporant des fibres optiques polymères et des LED dans des matériaux textiles selon sa technologie Lightex® (double innovation brevetée : tissage de la fibre optique et injection de la lumière remontant à la surface du tissu, sans chaleur), Brochier Technologies propose des solutions pour l’éclairage, la communication, la sécurité ou le médical. Elle a ainsi mis au point des textiles à fonction dépolluante , selon la technologie UVtex®, en appliquant une enduction de particules de TiO2 sur des tissus lumineux. La société NeoMedLight, filiale de Brochier Technologies, a par ailleurs sur le marché son premier produit textile utilisant la lumière pour soigner. Le BiliCocoon destiné à l’ictère (jaunisse) du nourrisson a obtenu son marquage CE en septembre 2016 après les essais cliniques concluants réalisés en Colombie. NeoMedLight a, par ailleurs, commencé des travaux sur le Lightex® appliqué aux mucites ou mucosités orales, des effets secondaires des traitements anti-cancéreux.
Une équipe de l’EMPA suisse à St Gallen a quant à elle conçu des fibres optiques polymères (POF) qui pourraient être utilisées comme capteurs dans des matériaux textiles photoniques. Grâce à un procédé de filage par voie fondue, l’équipe a développé des POF très souples qui peuvent être intégrées dans un tissu, pliées, cousues, nouées et même lavées. Des tissus intégrant ce type de POF pourraient permettre de suivre les battements cardiaques d’une personne ou de surveiller sa circulation sanguine de manière à pouvoir déterminer si elle risque de développer des escarres. Les chercheurs ont confectionné un genre de coiffe confortable qui permet de surveiller ces paramètres physiologiques en étant en contact direct avec le front des personnes. Les travaux menés en collaboration avec l’hôpital universitaire de Zurich, l’institut de recherche CSEM et le Centre pour paraplégiques suisse de Nottwil, ont été publiés dans la revue Journal of the Royal Society Interface de mars 2017.. Le principe consiste à émettre de la lumière sur la peau du patient et à capter celle qui est réfléchie par cette même peau. les recherches seront poursuivies afin de pouvoir miniaturiser ce concept et ainsi pouvoir surveiller très précisément d’autres paramètres physiologiques, pour un intérêt médical, mais également pour des vêtements de sport intelligents. Autre voie de recherche, au sein du laboratoire Gemtex de Lille, la jeune chercheuse Yesim Oguz a livré récemment les résultats de sa thèse autour de la conception et réalisation de structures textiles lumineuses pour le traitement et le monitoring de la thérapie photo dynamique (PDT) en insérant des fibres optiques en Poly(Méthacrylate de Méthyle) (PMMA) dans un textile flexible modulable autour du corps du patient.
Ailleurs dans le monde, des chercheurs du Centre d’optique, photonique et laser (COPL) de l’Université Laval au Canada ont créé un vêtement intelligent capable de mesurer à distance et en temps réel la fréquence respiratoire de la personne qui le porte. Le cœur de ce textile intelligent est une antenne fixée sur le vêtement au niveau de la poitrine. Elle est faite d’une fibre optique creuse dont la paroi intérieure est recouverte d’une mince couche d’argent. Un polymère déposé sur la couche extérieure de la fibre assure la protection de l’ensemble. Ce type de vêtement pourrait servir au diagnostic de certaines maladies respiratoires ou au suivi de personnes dont les fonctions respiratoires sont malades ou anormales. Aux Etats-Unis, une équipe de chercheurs du Massachussetts Institute of Technology et de la Harvard Medical School a mis au point une fibre optique étirable pour des applications biomédicales. Élaborée en âme à partir d’un hydrogel transparent dopé en colorants organiques, cette fibre optique hautement étirable et biocompatible pourrait être utilisée en tant qu’implant pour délivrer des impulsions thérapeutiques de lumière (comme par exemple pour l’optogénétique) ou pour diagnostiquer l’apparition d’une maladie en s’éclairant. Une gaine polymère vient recouvrir l’hydrogel de façon pérenne grâce à des agents chimiques de conjugaison. Une telle fibre pourrait être implantée de façon prolongée dans le corps sans risquer de se rompre en cas de mouvement, ou pourrait aussi être positionnée le long d’un membre afin de surveiller l’évolution de sa mobilité. Les colorants rouge, vert et bleu utilisés joueraient également un rôle de capteurs de contrainte pour localiser précisément la contrainte et déterminer son amplitude. Ces développements, menés par l’équipe du Professeur associé Xuanhe ZHAO, ont été publiés en octobre 2016 dans la revue Advanced Materials.
Dans un autre domaine d’application, celui des transports, des chercheurs américains et turcs ont collaboré pour concevoir un capteur textile intégrant des fibres optiques qui serait suffisamment fiable et précis afin d’envisager une application de détection d’occupation d’un siège automobile. Leurs travaux relatifs au comportement de fibres optiques polymères perfluorées à des cycles répétés de charge et de retrait de contrainte pour simuler les vibrations au sein d’un véhicule et les multiples sollicitations d’un siège occasionnées par les occupants permettent de définir une approche théorique du comportement de telles fibres . Le fabricant français Garnier Thiébaut teste actuellement le tissage de la fibre optique avec des débouchés possibles dans le secteur automobile, notamment.
En Europe, la jeune entreprise Fibersail propose un nouveau concept pour surveiller en temps réel l’intégrité structurelle d’un matériau composite. Le principe de Fibersail repose sur la mise en œuvre de fibres optiques équipées de plusieurs capteurs à réseau de Bragg, qui sont intégrées dans une latte en composite. Ces capteurs, qui permettent de surveiller les déformations en trois dimensions de pièces telles que des pales d’éoliennes, transmettent des données, à distance sur une tablette tactile, qui sont analysées via un logiciel et une interface ergonomique conçus par la société. Ce développement constitue une alternative très intéressante, très rapide et relativement peu coûteuse par rapport aux opérations d’inspections visuelles, étant donné qu’il suffit de coller la latte de monitoring soit sur l’intérieur, soit sur l’extérieure de la structure à surveiller.
Le secteur des infrastructures et de la construction n’est pas en reste. Par exemple, en Espagne est mené un projet de recherche européen baptisé MULTITEXCO dont le but est de tester une toute nouvelle méthode de prévention des accidents, grâce à l’insertion d’ un treillis textile spécial, avec des capteurs à fibre optique intégrés à l’intérieur, à plusieurs niveaux au cœur de la structure des remblais routiers. La société Tencate propose déjà depuis quelques années sa solution TenCate GeoDetect®, un géotextile composé d’une structure textile non tissée renforcée par des câbles monodirectionnels en polyester de haute ténacité, incorporant plusieurs lignes de fibres optiques pour surveiller en permanence le comportement des structures.
Enfin, le fabricant de linge de maison Garnier-Thiebaut a adapté ses procédés de tissage et d’ennoblissement pour intégrer de la fibre optique à des produits textiles, dans le cadre d’un projet proposé par le réseau R3ilab. Le prototype final d’un banc autonome en énergie, présenté en juillet 2017, a été signé par le designer Amaury Poudray et est le résultat de la collaboration entre cinq groupes industriels: Armor Group, Garnier-Thiebaut, la Société Choletaise de Fabrication , Structures, et AD Confection. Un bel exemple à la fois de la richesse des collaborations, des réussites malgré les difficultés techniques parfois rencontrées et du potentiel toujours renouvelé du mariage de la fragile et fascinante fibre optique et de l’univers textile.
Source: IFTH
Le 12/07/17