Aller aux toilettes lorsque l’on porte une combinaison ? Enfiler un jean coupe Skinny ? Passer un top un peu ajusté ? Fermer une braguette à boutons ? Attacher un soutien-gorge ? La mode est parfois un peu compliquée à vivre. Pour les personnes physiquement diminuées ou en situation de handicap, c’est encore pire. Les gestes les plus anodins sont pour elles de véritables épreuves quotidiennes. Quant au look, beaucoup finissent par y renoncer. Les choses bougent. Lentement.
La semaine dernière, le lancement de la collection spéciale de Tommy Hilfiger, dédiée au handicap a fait du bruit. Et pour cause, jusqu’à présent, les marques sont très rares à proposer une offre adaptée à cette cible si particulière. Les besoins ne manquent pourtant pas. A l’exception de l’enseigne Kiabi qui, il y a quelque mois, a mis au point une gamme spéciale pour les enfants handicapés, les marques classiques sont frileuses sur ce créneau. De peur d’être catégorisées, elles préfèrent s’investir uniquement par le biais d’opérations de communication.
Des vêtements adaptés pour faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap
Heureusement, quelques dégourdis de la mode comprennent l’importance de proposer des vêtements adaptés. On voit donc de plus en plus de nouvelles marques dédiées fleurir sur le marché. Selfia, par exemple, a été créée en 2002 par un ingénieur textile. Elle s’est d’abord spécialisée en gériatrie avant d’élargir son offre à un public adulte à mobilité réduite. On y trouve notamment des hauts entièrement zippés du poignet à la taille pour aider à l’enfilage, ou encore des pantalons facilitant l’accès aux soins. Le stylisme est pensé par les étudiants du lycée de la mode de Cholet et offre un look.
A l’origine de la création, l’insatisfaction
Toujours dans l’idée de simplifier l’accès aux soins, la marque Pasolo revendique son envie de lutter contre la dépendance des personnes en situation de handicap. Motivation que l’on retrouve chez Les loups bleus, la marque avec laquelle Kiabi avait collaboré pour sa collection spéciale. A l’origine, Cécile Pouleur, maman d’une petite fille polyhandicapée, désespérait de trouver des vêtements jolis et faciles d’utilisation dans le prêt à porter classique. Elle s’est donc mise à la couture pour confectionner ses propres pièces, pratiques et colorées.
Ce cheminement est commun à beaucoup des autres marques spécialisées dans le handicap. Des personnes en situation de handicap elles-mêmes ou leurs proches, fatiguées de ne pas trouver satisfaction dans le prêt-à-porter traditionnel (comme 91% des sondés de l’étude menée par Selfia en 2012) qui ont décidé de se débrouiller par leur propres moyens et d’en faire profiter un maximum de monde dans la même situation.
Dans ce cas de figure, Sarah Da Silva Gomes, créatrice de Constant & Zoé, inspirée par son petit frère. Depuis janvier 2015, la jeune femme de 27 ans crée des pièces pensées et adaptées au handicap, déclinées du 10 ans à la taille L. Camille Boillet, 23 ans, ronde et entourée de personnes porteuses de handicap, a été confrontée à la même problématique. Comment s’habiller de façon élégante et confortable lorsque l’on ne rentre pas dans les standards de la mode ? En créant ses vêtements ! Sa démarche a même réussi à séduire le jury des Jeunes Talents LVMH en 2016.
Tout reste à faire
D’autres, comme Chris Ambraisse Boston, créateur de la marque A&K Classics, se veulent à la fois plus ouverts et plus engagés. “Je dessine pour tout le monde, pour casser la discrimination. Quelques marques vendent déjà des vêtements pour handicapés. Mais le fait qu’ils ne soient faits que pour eux, ça freine. Les personnes en situation de handicap veulent pouvoir aller dans les boutiques et mettre des vêtements adaptables pour tous.” Aussi, chez lui, les produits peuvent aussi bien être portés par des personnes en fauteuil que par d’autres qui ont un handicap plus léger, voire pas du tout.
Des progrès restent à faire, mais face au handicap, la mode avance. Il y a quelques mois, Madeline Stuart, atteinte de trisomie 21, défilait à la fashion week de New York. Ce qui aurait pu ne rester qu’un buzz a finalement ouvert une brèche dans cet univers que l’on croyait si fermé. Juste après, on a vu les catwalks investis par des mannequins en situation de handicap. Un focus qui devrait permettre d’attirer l’attention sur ce marché qu’il devient urgent de développer.
Novembre 2017