Difficile de passer à côté de la polémique qui a touché Décathlon en ce début de semaine lors de la commercialisation d’un « hijab de running » Kalenji. Déjà commercialisé au Maroc, l’annonce a provoqué une vague de réactions variées, notamment dans le champ politique.
Dans un tweet officiel du 25 février, Decathlon a exprimé sa volonté de « rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif. »
Accusé de « marketing communautaire » par Lydia Guirous (porte-parole du parti Les Républicains), et d’affront aux « valeurs de notre civilisation », l’entreprise française s’est défendue et affirme répondre à une demande de la part des consommatrices, présente notamment au Maroc où le voile sportif a tout d’abord été commercialisé, mais également en France.
Il est tout d’abord important de noter que Décathlon n’est pas le premier fournisseur d’équipements sportifs à commercialiser un voile pour le sport, ayant notamment été précédé par Nike qui en 2017 commercialisait un “hijab” Nike Pro, issu de sa technologie Dri-FIT, composé notamment de tricot mesh, et ce en collaboration avec l’espoir olympique Amna Al Haddad, originaire des Emirats Arabes Unis.
Avec près de 5 millions de personnes de confession musulmane en France – le “hijab” désignant communément un voile qui couvre les cheveux mais laisse le visage apparent et visible, et qui est commercialisé au prix de 8 euros (contre 30 chez Nike) est un message important envoyé aux femmes ayant l’habitude de couvrir leurs cheveux dans la sphère publique, qu’elles soient musulmanes ou non par ailleurs.
La firme a cependant annoncé dans un communiqué officiel dans la même journée renoncer à la commercialisation du produit en France, afin de protéger ses coéquipiers face aux menaces dont ils ont fait l’objet. En effet, l’entreprise a annoncé que le service client avait reçu “plus de 500 appels et mails depuis ce matin” tandis que les “équipes dans nos magasins ont été insultées et menacées, parfois physiquement.” A cependant été réaffirmé leur volonté et mission de créer des produits techniques aux prix les plus justes, par les sportifs et pour les sportifs, partout dans le monde.
Ignorant par ailleurs les appels au boycott et les déclarations de divers hommes et femmes politiques, journalistes, la firme met en lumière un marché, de niche, que représente la mode dite “modeste” ou pudique.
Mode modeste et marché de niche
Un rapport intitulé « State of the Global Islamic Ecomony » publié en 2016 prévoyait que les dépenses vestimentaires des consommateurs musulmans atteindraient 327 milliards de dollars en 2017, dépassant notamment les 107 milliards de dollars dépensés par exemple au Royaume Unis. Pour 2019, ces dépenses pourraient atteindre 484 milliards de dollars en 2019.
Au-delà des questions culturelles, religieuses, politiques, particulièrement fortes en France, la commercialisation de ce voile dédiée aux coureuses souhaitant voiler leurs cheveux pose la question plus large de la mode pudique ou « modest fashion », particulièrement associée aux communautés musulmanes. Pour autant, ces questions sont présentes plus globalement dans les communautés religieuses prônant l’idée de pudeur incarnée par des vêtements longs, couvrants par exemple, sans pour autant renoncer à une certaine esthétique.
Particulièrement présente en Angleterre, l’idée d’une mode basée sur le concept de modestie et de décence représente avant tout un marché lucratif, tel qu’ont pu le saisir Dolce & Gabbana, Uniqlo ou Marks&Spencer, notamment en Grande-Bretagne. Marco Bizzari, PDG de Gucci pour sa part va jusqu’à parler de « Génération M » pour Musulmane, mettant en avant l’idée d’une nouvelle tendance de consommation.
-27/02/19-