Si nous avions déjà pointé l’année dernière l’intérêt suscité par l’impression 3D auprès du secteur de la mode et des créateurs, ces derniers ne sont bien entendu pas les seuls à continuer d’intégrer autant que possible cette technologie au cœur du processus de création.
Plusieurs des initiatives précédemment citées sont toujours d’actualité et évoluent bien évidemment vers des vêtements 3D plus “accessibles”, comme les créations de Danit Peleg, Iris Van Herpen ou encore Julia Daviy. L’utilisation de l’impression 3D répond en effet à certaines demandes et tendances fortes du textile et de l’habillement: personnalisation, petites séries, processus de fabrication plus durable…. Une des caractéristiques les plus importantes de l’impression 3D est la possibilité d’avoir un vêtement personnalisé qui s’adapte parfaitement à chaque corps de façon unique, ce qui peut impacter durablement l’avenir du design de mode.
Revenons sur plusieurs exemples d’inclusion de plus en plus forte de cette technologie, que ce soit dans l’univers de la mode et du luxe, mais également pour des applications plus techniques, dans le domaine de la santé, du sport, voir des composites.
Quoi de neuf dans l’univers de la mode imprimée 3D?
La proposition du studio LabeledBy offre un service axé sur l’avenir en matière de recherche de tendances, de développement textile ainsi que de fabrication de pièces d’exclusivité exclusives. En interne, l’équipe a la possibilité de personnaliser chaque projet et de le développer grâce à une imprimante 3D qui imprime directement sur le textile, et est capable de créer de petits échantillons à partir de gros vêtements. En commençant par une imprimante Ultimaker classique par la suite modifiée, l’équipe continue maintenant à développer ses propres méthodes d’impression.
La chercheuse Lushan Sun a récemment présenté son étude de cas sur un vêtement imprimé en 3D, intitulée « Instilled: 3D Printing Elastic Lace », au congrès de la conférence annuelle de l’Association internationale du textile et du vêtement (ITAA) . Le but de cette étude de conception était d’explorer les performances élastiques des différents modèles imprimés en 3D, avec des structures proche de la dentelle en utilisant un filament FDM flexible (nylon) dans le prêt-à-porter.
La créatrice Alexis Walsh , spécialisée dans la mode imprimée en 3D , a dévoilé sa dernière collection: la série APEX, qui associe embellissement artisanal et forme numérique. Fabriquée en collaboration avec le designer Justin Hattendorf, la collection de six pièces intègre un artisanat textile traditionnel à une simulation physique personnalisée pour générer du matériel imprimé en 3D pour les vêtements. APEX SERIES a été présenté au défilé Platform Fashion x Lexus 3D Fashion présenté par Lexus Germany à Düsseldorf, en Allemagne.
Noa Raviv est une créatrice de mode israélienne connue pour son utilisation des motifs de grille et de l’impression 3D dans ses créations de haute couture. Elle a collaboré avec «Stratasys», l’un des plus grands fabricants d’imprimantes 3D au monde, et a développé une ligne qui figurait dans l’exposition très attendue et très prisée des stars, «Manus x Machina: la mode à l’ère de la technologie» au Musée métropolitain d’art de York (MoMa).
Et les chaussures dans tout ça ?
Les grands acteurs de l’industrie de la chaussure développent depuis des années des process d’impression 3D permettant non seulement à ces entreprises de prototyper beaucoup plus rapidement, mais de proposer également une personnalisation de masse. Adidas, Reebok ou New Balance, qui impriment des semelles en 3D, sont des entreprises leaders dans ce domaine. Dans le même temps, Nike expérimente des «tiges de dessus» de chaussures imprimées en 3D.
Avec l’aide de Stratasys, la designer Ganit Goldstein a produit une chaussure de mode tissée imprimée en 3D. La pièce fait partie du projet Between the Layers, qui comprend de nombreuses chaussures et vêtements imprimés en 3D. La chaussure a été créée à l’aide d’une imprimante 3D Stratasys Connex3, capable d’imprimer de multiples couleurs et matériaux. Les chaussures ont été présentées le 17 décembre dernier à San Francisco lors du concours Arts of Fashion Competition 2018 .
En collaboration avec Hexxon, groupe d’ingénieurs spécialisés dans l’impression 3D , la créatrice Silvia Fado a développé un prototype pour des chaussures avec un matériau imprimé 3D en fibre de carbone . Ce matériau confère aux chaussures une force et une légèreté particulières. Le concept baptisé Carbonalise utilise les techniques de la chaussure traditionnelle et les nouvelles technologies, dont l’impression 3D.
Le spécialiste de la chimie Dow met son expertise au service de la gamme QUANT-U d’ ECCO Shoes, en collaboration avec Dassault Systèmes, dans la création d’un nouveau système de fabrication de chaussures. Les chaussures personnalisées QUANT-U offrent un ajustement spécifique au client et un confort conséquent, associé à la performance. L’impression 3D est la technologie à l’origine du projet, et le caoutchouc silicone liquide SILASTIC 3D 3335 de Dow est le matériau le rendant possible. Les chaussures formées à partir des «données biomécaniques individuelles» du porteur, comportent des semelles intercalaires en silicone qui s’adaptent à la forme et aux mouvements typiques du client. Cette forme de silicone a été créée par Dow spécifiquement pour l’impression 3D.
Enfin, le groupe national d’innovation pour la fabrication additive de Singapour (NAMIC) a signé un protocole d’entente avec le fabricant canadien de chaussures sur mesure Wiivv , afin de développer des semelles biométriques imprimées en 3D.
La santé , domaine d’intérêt pour l’impression 3D
Deux étudiantes américaines ont créé des seins prothétiques roses imprimés en 3D pour les femmes ayant subi une mastectomie, afin de trouver une alternative aux prothèses traditionnelles «transpirante» et «inconfortables»actuellement disponibles après une chirurgie pour le cancer du sein.
N’ayant pas l’intention d’utiliser du plastique pour la conception finale, car le matériau devait être flexible et confortable, elles ont travailler avec du silicone, rendant leurs prototypes sont plus respirants et plus légers. Le projet baptisé Boost , dans le but de repenser radicalement le design des prothèses mammaires et de proposer quelque chose qui puisse donner du plaisir aux porteurs. Les modèles imprimés en 3D qu’ils ont créés sont colorés, légers et respirants. Ils ont été conçus selon un processus collaboratif avec les victimes du cancer du sein et de la mastectomie.
Le designer Mark Beecroft de la School of Art de la Manchester Metropolitan University explore le potentiel de l’impression 3D dans le tricotaage industriel dans son article récemment publié. Il démontre le potentiel des structures tubulaires imprimées en 3D. Ces structures, fabriquées sur l’imprimante 3D EOS Formiga P110 SLS, peuvent être compressées et étendues, ce qui peut être développé pour divers secteurs des textiles techniques tels que les vêtements de sport et les soins de santé. Avec l’accompagnement de programmes basés sur la CAO, les fabricants de tricot peuvent facilement créer des structures d’entrelacement qui s’enroulent et s’étendent avec l’élasticité requise.
«En imprimant en 3D des structures à base de tricot, il est possible d’intégrer les propriétés d’étirement et de flexibilité inhérentes au tricot, tout en exploitant les propriétés mécaniques du matériau utilisé pour imprimer» déclare Beecroft.
Bien que des recherches aient déjà été effectuées sur les structures de tricot imprimées 3D, il s’agissait principalement de géométries non continues et liées. Beecroft examine ici l’utilisation de l’impression 3D de géométries de type fibre continue et le test des structures résultantes à simple et à double face. L’évaluation de chaque structure inclut la vérification de la manière dont elles gèrent leur compression et leur extension, ainsi que leur flexibilité totale.
Une timide arrivée dans le secteur du vêtement de sport
Le designer Hubert Chen a conçu un manchon de compression intégrant des motifs imprimés en 3D, appelé Safe Landing Garment (SLG). Un accessoire que les athlètes peuvent porter autour du genou pour assurer un atterrissage en toute sécurité et ainsi réduire les risques de blessure. Grâce aux technologies 3D , le manchon est adaptée à la morphologie et aux besoins de l’athlète et peut améliorer ses performances.
Il a utilisé la technologie d’impression 3D FDM (Fused deposition modelling) pour personnaliser chaque manchon de compression. Il imprime des hexagones de différentes tailles avec du TPU flexible, ensuite cousus sur le manchon. L’athlète peut ensuite choisir ses motifs et ses couleurs .
Les composites renforcés de fibres boostés par la 3D
Si l’impression 3D a intégré le secteur des composites depuis plusieurs années, les innovations proposées sur le marché depuis 2 à 3 ans révolutionnent le domaine des composites renforcées de fibres, quelles soient naturelle, de verre ou de carbone.
Une des dernières innovations importantes du domaine est l’impression 3D continue en fibre (CF3D ™) qui associe des matériaux composites à un processus d’impression 3D, créant un processus sans moule hors autoclave. La technologie brevetée CF3D ™ est un processus de fabrication de composites révolutionnaire. Plutôt que d’utiliser des fibres préimprégnées coûteuses, les fibres continues sèches hautes performances sont imprégnées d’un film thermodurcissable à polymérisation rapide à l’intérieur de la tête d’impression, puis durcie immédiatement après sa décharge. Le résultat est une réduction drastique des coûts et des délais.
Le textile imprimé 3D ? La réalité reste toujours bien différente du rêve…
Si l’impression 3D fait l’objet de multiples et diverses initiatives dans le secteur du textile et de l’habillement dans le monde entier, pour les avantages qu’elle est à terme censée apporter à l’industrie du futur, notamment en termes de personnalisation, d’expérience client, et d’avantages environnementaux (zéro déchets, fabrication à la demande …), il n’en reste pas moins que peu de produits sortent aujourd’hui réellement sur le marché de la grande consommation.
La styliste Julia Koerner qui a aidé la créatrice de costumes Ruth E. Carte, récemment oscarisé pour ses costumes du dernier Marvel, “Black Panther”, afin d’intégrer l’impression 3D dans les fameux costumes et notamment ceux de la reine Ramonda, l’exprime de façon très juste. Si la technologie est très adaptée par exemple pour créer des modèles pour des accessoires et costumes imprimables en 3D, elle alerte sur trois points essentiels, trois idées reçues concernant l’impression 3D:
- “Il suffit d’appuyer sur un bouton pour imprimer”: le développement d’un fichier 3D prend souvent beaucoup de temps et est souvent onéreux
- “C’est la machine qui l’a fait”: toute conception 3D n’est pas générée automatiquement par un ordinateur, les programmes sont générés par des personnes
- « C’est imprimé en 3D »: attention à l’effet média, tout n’est pas vraiment conçu et imprimé en 3D!
-15/03/19-
Pour compléter: https://www.modeintextile.fr/?s=impression+3D