Léo Lacroix, Jean-Claude Killy, les sœurs Goitschel …ces champions de ski emblématiques ont marqué les esprits autant que la marque de vêtements qui accompagnait leurs exploits. Fondée en 1952, Fusalp est en effet la marque des champions olympiques des années 60. C’est aussi la créatrice du célèbre fuseau, développé pour optimiser et mettre en valeur le mouvement et la vitesse.
Si l’entreprise s’est petit à petit essoufflée face à une concurrence féroce, Philippe et Sophie Lacoste, héritiers de la célèbre famille éponyme ont fait le pari de relancer Fusalp en 2014. Le métier de la PME s’inspire alors de la pratique du ski pour devenir une marque de vêtements plus urbains, évolue vers un style de vie plus contemporain. Mais l’ambition est claire : redevenir un jour leader mondial du ski.
Le siège social est resté ancré au cœur des montagnes à Annecy. Si Fusalp s’appuie sur ses fondamentaux, avec une coupe, un style, un look, initiés par les artisans tailleurs fondateurs de la marque, l’innovation est redevenue son moteur sous l’impulsion de son Directeur Général, Alexandre Fauvet, sportif et entrepreneur dans l’âme.
Aujourd’hui, la forte demande en vêtements techniques adaptés au mode de vie urbain porte le développement de la PME, qui propose des produits premium fortement hybridés entre esthétique et performance. Dirigeant passionné, Alexandre Fauvet ravive l’esprit de compétition de cette marque de légende. Il revient pour nous sur les forces d’une société iconique, innovante, une PME soixantenaire aux forts accents de start-up.
L’histoire de la marque est intimement liée à la performance et à l’innovation technique, la technicité des matières toujours plus innovantes et performantes, quelle est aujourd’hui la place de l’innovation chez Fusalp ?
Nous avons constaté, lorsque nous avons repris Fusalp en 2014, que celle-ci avait quelque peu perdu son gène de l’innovation, une situation qui était principalement due à une rupture de l’entreprise avec le monde de la compétition alors même que Fusalp avait un lien quasi intime avec ces champions de ski ambassadeurs de la marque depuis ces débuts. Lors de la reprise s’est imposée la nécessité de reconnecter Fusalp à son âme ce compétitrice.
Notre premier recrutement s’est donc naturellement tourné vers l’intégration d’une directrice de collection au profil très technique, et nous avons immédiatement reconstitué une petite équipe de recherche et développement. Plus qu’une équipe, c’est tout un écosystème dédié à l’innovation que nous avons rebâti.
Le point d’ancrage de cette stratégie est la richesse des savoir-faire historiques de Fusalp, ceux des tailleurs fondateurs de la société, pour assurer une continuité dans les techniques employées. Et près de 15% de notre chiffre d’affaires sont réinvestis chaque année en R&D, en particulier pour le développement de nouvelles matières et étoffes.
A notre échelle, toutes les collaborations externes sont également extrêmement importantes, que ce soient avec les anciens champions partenaires de la marque, avec des nouvelles icones du sport, ou avec les juniors et nos partenariats avec les clubs de ski, …mais aussi des écoles de mode, avec des chercheurs, et bien entendu avec nos fournisseurs européens et asiatiques avec qui nous développons nos nouvelles matières et créons nos nouvelles collections, plus performantes et plus urbaines.
Disons que si nous comparons avec l’univers de l’automobile, la compétition est pour nous l’occasion de développer nos « concept cars », et nous créons des vêtements urbains comme des berlines, pour le quotidien !
Nous venons d’évoquer cette nécessité de bousculer les codes et favoriser l’innovation, quelques mots sur la collaboration avec l’école de mode IFA Paris ?
En effet, à travers ce nouveau projet nous souhaitons véritablement créer le vestiaire urbain 2030, celui qui conservera notre identité tout en la modernisant et répondra aux nouveaux besoins de consommateurs souvent de plus en plus connectés. Le marketing et le stylisme sont confiés aux étudiants d’IFA Paris. Les aspects techniques des prototypes sont développés par Neue Lab, une agence d’innovation suédoise experte de la mode connectée.
Nos projets aujourd’hui sortent souvent du cadre du secteur textile, et nous travaillons aussi avec le secteur de l’électronique par exemple. Mais les fondamentaux restent, la fonctionnalité du vêtement est la même : apporter du confort, de la protection, du bien-être. Nous challengeons nos idées dans le cadre de notre projet global Fusalp Futur, il nous oblige à amener de nouvelles propositions sur le marché, le programme s’enrichit année après année. Fusalp Futur – Piste 1 est le premier volet proposé cette année, une collection capsule composée de deux vestes de ski “intelligentes” équipées de la technologie Flexwarm, une système chauffant rechargeable à température ajustable.
Nos forces sont encore aujourd’hui la performance de la thermorégulation, et l’adaptation, voire l’optimisation du mouvement et de la vitesse. Avec les écarts de température hallucinants que nous connaissons de plus en plus, pas seulement sur plusieurs saisons, mais désormais sur une journée, et des modes de vies qui se sont accélérés, il est indispensable de nous appuyer sur notre ADN pour traduire nos technologies éprouvées sur les pistes de ski en une mode plus urbaine.
Les choix de Fusalp sont clairs : proposer des vêtements à la coupe parfaite, aux matières techniques et performantes, tout en jouant avec la modernité, le graphisme, les couleurs. Mais la marque de vêtements de sport a évolué, modifiant un peu son positionnement sur le marché, changeant de cible aussi. Comment s’est effectuée cette transition vers l’univers de la mode ?
Je préfère définir Fusalp comme une marque de design, une marque contemporaine, plus qu’une marque de mode. Nous ne misons pas sur les codes classiques d’une mode essentiellement esthétique, et qui change de plus en plus souvent. Notre réflexion porte vraiment autour du corps, sur la visualisation en 3D de ce corps humain qui inspire nos modélistes.
Nous recherchons cette forme d’intemporalité qui caractérise une marque patrimoniale comme Fusalp. Nos vêtements sont faits pour durer dans le temps, et nous les imaginons de telle sorte que les occasions de les porter soient multipliés. C’est notre obsession au quotidien, faire un vêtement beau, esthétique et performant, de qualité et intemporel.
Fusalp est associée aux matières stretch des combinaisons et fuseaux, plutôt à base de fibres synthétiques. Mais vous proposez également des vêtements fabriqués avec de la laine merinos par exemple, pourquoi cette offre en matières naturelles ?
La technicité de la laine a augmenté ces dernières années grâce à de nombreuses innovations, en matière de traitement et de fonctionnalisation, de construction des étoffes… Mais surtout, n’oublions pas que la laine est la première matière textile thermorégulatrice, et sans doute la plus efficace !
Cela permet aujourd’hui de fabriquer des étoffes très fines pour élaborer des collections printemps/été, de fabriquer des matières stretch simplement par effet mécanique sans recourir aux matières synthétiques, nous sommes donc en mesure de garder la fonction de base du stretch avec la laine ou d’autres matières naturelles.
Fusalp propose également une collection printemps-été, et du balnéaire, faites-vous jouer des synergies avec le vêtement de ski traditionnel pour développer ces produits?
Les synergies en termes de matières stretch et de thermorégulation existent entre les univers du ski et les collections d’été. Nous les adaptons aux besoins, par exemple en utilisant un tissu au toucher « froid » proposé par un de nos fournisseurs italiens, qui donne des vêtements très agréables à porter quand il fait chaud.
La mouvance naturelle du consommateur évolue vers un vestiaire sportswear, vers « l’atlheisure ». Nous puisons donc également dans les synergies entre produits : ainsi, le fuseau historique est à la base de nos leggings, que l’on peut porter en ville comme en cours de yoga.
Le développement de la distribution passe par l’omnicanal aujourd’hui : le digital et les boutiques physiques. C’est votre pari en France, mais aussi à l’international ?
Nous avons repris la société il y a 5 ans maintenant. Nos phases de reconstruction et de développements sont pour ainsi dire quasiment calés sur un cycle olympique, c’est-à-dire quatre ans. Si au départ de l’aventure nous étions concentrés sur le marché d’origine de Fusalp, aujourd’hui, à notre échelle de PME, nous sommes assez forts pour poursuivre en parallèle notre développement à l’international.
Cela passe par l’ouverture de boutiques physiques en France et à l‘étranger, des corners choisis, et bien entendu la boutique en ligne. Il faut que nos clients puissent accéder le plus simplement à nos produits. La visibilité de la marque requiert une présence numérique bien étudiée sur le web et les réseaux sociaux. La digitalisation des process nous donne presque un don d’ubiquité entre Annecy, Paris, et le reste du Monde.
Nous réalisons déjà un chiffre important en Europe, en Grande-Bretagne, Suisse, Espagne, Allemagne, Scandinavie…et si le marché américain est en croissance constante lui aussi, notre stratégie pour le grand export est orientée vers l’Asie, en particulier la Corée et la Chine qui bénéficient du coup de projecteur mondial donné par l’organisation des Jeux Olympiques. Notre objectif ultime : gagner des médailles d’or aux JO !
Vous dites de Fusalp que c’est une start-up de 67 ans, elle a donc à la fois l’énergie et la maturité pour avancer ?
C’est tout à fait cela !
Nous avons reconstruit une culture d’entreprise, autour d’une communauté de collaborateurs multiculturelle, avec des profils typiques des start-up, des « nomades » qui aiment développer, prospecter de nouveaux territoires, sortir de leur zone de confort, et d’autres qui s’assurent que les fondamentaux de la Société sont respectés et protégés. Nous avons besoin d’audace, de faire bouger les lignes, d’avoir un esprit start-up.
Dans l’univers du sport comme dans celui des start-ups, la culture de l’effort est bien réelle, les défaites conduisent aux victoires suivantes, les échecs d’hier nourrissent les succès de demain. Nous partageons cet esprit avec nos ambassadeurs, comme Antoine Deneriaz par exemple, médaillé d’or aux JO de Turin, qui nous a fait le plaisir lors de sa dernière visite de faire profiter de son expérience l’ensemble des équipes. Chacun a pu toucher et s’approprier un peu sa médaille d’or.
Il ne faut jamais oublier que la concurrence est importante, vive, efficace aussi, nous n’avons pas d’autres choix possibles que d’être ambitieux. Cela signifie de prendre des risques calculés tout en définissant bien nos objectifs, bien se préparer, et surtout de diffuser la confiance au sein de l’entreprise.
A mon sens, une des qualités essentielles d’un dirigeant doit être l’optimisme. Me concernant, je ne suis jamais satisfait, parfois au grand dam de mes collaborateurs, je pense qu’on peut toujours faire mieux, quitte à passer beaucoup de temps et même dormir à l’usine d’Annecy, comme j’en ai l’habitude, pour faire avancer les projets… car avant tout, je pense que rien n’est impossible.
Propos recueillis par N. Righi -Juillet 2019
Photos: Fusalp – Tous droits réservés