Mode in Textile

Interview d’André Genton, Président du Directoire de Porcher Industries

Chimiste de formation, son parcours l’a naturellement conduit à s’intéresser aux matériaux composites. Après une première expérience autour des polymères chez Ciba Geigy, puis un poste de président de la division Advanced Materials de chez Huntsman, qui l’ont amené à faire le tour du monde, André GENTON a souhaité retrouver ses racines françaises.

Actuel Président du Directoire de Porcher Industries, et reconnu par ses pairs pour son expérience, il cherche aujourd’hui à recréer un environnement favorisant le partage d’information au sein de cette entreprise emblématique du secteur textile, pour être en phase avec les évolutions, actuelles et futures, des marchés. Pour lui, l’innovation est au cœur de son activité, tout est envisageable, rien n’est impossible.

 Depuis le rachat de Porcher Industries par le fonds d’investissement Warwick Capital et votre arrivée en 2016, les annonces ont été nombreuses : politique de croissance externe active, diversification des marchés, plans de recrutement et d’investissements   notamment pour les sites français…Est-il possible de dresser un premier bilan à l’aube de l’année 2018 ?

Je connaissais Porcher Industries depuis longtemps avant mon arrivée : son activité, ses clients, et tout l’intérêt d’une telle entreprise. Porcher a, à l’inverse de certains concurrents, cherché non pas à se diversifier pour échapper à la crise du secteur, mais à améliorer ses compétences dans le domaine des tissus fins difficiles à tisser.  La société s’est donc constituée en parallèle une solide connaissance de la chimie associée au travail de ces fils pour les protéger durant la fabrication de tissus.

Aussi, lors de la reprise de la société en 2016, l’objectif n’était pas prioritairement de se développer par croissance externe.

Des opportunités se sont néanmoins présentées, et nous avons choisi de les saisir. Tout d’abord en 2016 avec la reprise en France de Cordtech International, qui nous permet aujourd’hui d’être le seul fabricant à proposer l’ensemble des renforts de courroies de transmission (trapézoïdales, ou crantées) en réponse aux besoins du marché automobile notamment. Ensuite fin 2017, nous avons repris les actifs d’Interglas, un concurrent historique de Porcher en Allemagne, réel vecteur de développement de notre offre et d’un renforcement significatif de notre positionnement sur ce marché allemand.

En toile de fond, nous avons travaillé sur une nouvelle organisation interne, afin de permettre à l’entreprise d’avoir enfin une véritable stature internationale. Grâce la mise en place de « business units », nous avons cherché à décloisonner nos usines, pour faire en sorte que des échanges se créent d’une région à l’autre dans le monde. Ainsi, une expansion naturelle et géographique des produits proposés par Porcher a commencé à s’opérer à l’échelle globale.

Enfin, les investissements matériels réalisés, avec plus de 220 métiers à tisser supplémentaires entre 2017 et 2018, dont environ 120 en France, permettent d’assurer les clients de notre envie d’aller de l’avant, et de notre capacité à traiter leurs demandes.

Nos solutions sont multifonctionnelles, et nous permettent de nous différencier de la concurrence sur tous ces marchés. Nous réalisons dans le secteur aéronautique une croissance à double chiffre, et ce grâce à notre offre complète de tissus secs et de nouvelles solutions de préimprégnés thermoplastiques. Porcher fabrique des tissus pour airbags, des tuyaux d’échappement, et des fils adhérisés utilisés pour la fabrication des courroies pour l’automobile. A noter qu’il est essentiel d’être organisé de façon globale pour travailler avec ce secteur, d’où l’importance de notre stratégie de développement initiée en Chine. Dans le domaine du sport, nous sommes par exemple le leader de la voile de parapente. Enfin, nous travaillons beaucoup pour l’industrie et le bâtiment.

Innover pour devenir et rester leader sur des marchés hautement concurrentiel : comment cela se traduit-il encore aujourd’hui au quotidien au sein de l’organisation de Porcher Industries ?

 Dans le domaine de l’innovation, nous ne nous interdisons rien !

Concrètement, ces derniers mois Porcher a renforcé ses équipes, en particulier dans le domaine des connaissances de l’interface fibre/résine pour le domaine des composites. L’activité de veille technologique est extrêmement importante. Nous avons également envoyé plus de personnes sur le terrain, permettant d’avoir une meilleure connaissance des besoins des marchés. A ce propos, l’utilisation des big datas est bien entendu à l’étude.  Et les échanges sont encouragés, en interne comme à travers les collaborations externes telles qu’elles peuvent exister avec l’IFTH.

L’objectif est d’être une société disruptive, en mettant en place une véritable plate-forme commune entre fibres et chimie.  Nous sommes encore en cours de transformation.

Le marché mondial des composites renforcés de textile est en croissance stable depuis plusieurs années. Porcher Industries a misé depuis plusieurs années sur ce type de produits, elle propose même des innovations de rupture. Quels sont les enjeux pour la société sur ce marché ?

Nous avons choisi une stratégie résolument orientée vers le développement de produits thermoplastiques. Mais nous avons également des solutions de tissages complexes, de tissages 3D. La stratégie est vraiment d’être créatif dans la chimie des composites, et dans la forme, afin d’améliorer notre positionnement sur le marché.

Plus de 200 personnes ont été embauchées cette année, notre stratégie est de mettre toujours plus de nouveaux produits techniques, innovants, disruptifs, des produits adaptés aux besoins concrets de nos clients.

Quel regard portez-vous sur l’évolution sur l’industrie textile sur les dernières décennies ?

Le problème d’attractivité chez les jeunes reste récurrent. Les écoles textiles sont peu nombreuses en France, et nous les soutenons, mais force est de constater qu’aujourd’hui la formation et la transmission des savoir et savoir-faire s’effectue essentiellement en interne.

Cependant, nous assistons très clairement à un renouveau du secteur textile en France. Et il y a un certain rapprochement entre le secteur des textiles industries et ceux de l’habillement, et ces deux mondes qui convergent, qui brassent des idées, enrichissent toute la filière. Les textiles connectés sont un exemple de produits industriels qui sont en capacité d’attirer de nouveaux profils au sein de nos usines. Nous commençons à intégrer ces technologies, dans certaines applications .

Une toile de parapente pourrait par exemple, et sous réserve de pouvoir répondre aux contraintes techniques d’un tel projet, être connectée et informer en temps réel le sportif sur les différents paramètres de son environnement.

Espérons que cet élan redonnera envie aux jeunes générations d’aller travailler dans notre secteur.

Le développement durable est-il un élément de la stratégie de développement de Porcher Industries ?

Il est primordial.

Un exemple de cette intégration du sujet touche à la gestion des déchets en interne. Nous proposons déjà sur le marché des tuyaux d’échappements intégrant des déchets de production, récupérées et recyclées directement dans nos usines. Nous travaillons également sur une chimie plus « verte ». Le choix de développer des produits composites thermoplastiques, plus facilement recyclables que les thermodurcissables, est par ailleurs clairement stratégique.

L’édition 2018 de JEC sera-t-elle l’occasion de découvrir certaines nouveautés de Porcher Industries ?

Bien évidemment… rendez-vous en mars prochain à Paris !

 Propos recueillis par N.Righi – Janvier 2018