Le Global Fashion Agenda (GFA) s’est donné pour mission de relever les défis sociaux et environnementaux auxquels font face à la fois l’industrie du textile et de l’habillement et notre planète. Forum international de leadership sur le développement durable de la mode, il est en particulier connu pour l’organisation du Sommet de la mode de Copenhague, le plus important événement mondial sur la durabilité dans la mode, et son rapport annuel du secteur, intitulé Pulse of the Fashion Industry.
Le GFA travaille avec un groupe de partenaires stratégiques comprenant notamment Kering, H & M, Target, Bestseller, Li & Fung et ou encore la Sustainable Apparel Coalition sur l’établissement d’un programme commun pour les efforts ciblés de l’industrie sur le développement durable.
Mme Eva Kruse est la directrice exécutive et présidente du Global Fashion Agenda.Pionnière dans son domaine, elle travaille depuis plus d’une dizaine d’années pour faire évoluer les choses, mais c’est avec la création en 2016 du Global Fashion Agenda qu’elle a choisi de s’adresser directement aux décisionnaires des grandes entreprises de mode. Interlocutrice privilégiée en matière de mode alternative et durable, Eva Kruse a par ailleurs été récompensée pour ses actions par des distinctions, notamment le Prix des Droits de l’Homme remis par l’ambassadeur de France au Danemark François Zimeray. Elle a accepté d’échanger avec nous sur les enjeux de la durabilité pour l’industrie textile habillement mondiale.
Quels sont, en quelques mots, les missions du Global Fashion Agenda et son articulation avec le Sommet de la mode de Copenhague?
Dans le but de rendre le développement durable à la mode, Global Fashion Agenda cherche à mobiliser le système mondial de la mode afin de changer le mode de production, de commercialisation et de consommation de la mode. Nous travaillons pour susciter des actions au sein de l’industrie de la mode, ce qui nécessite un effort de collaboration. Grâce à nos initiatives et en collaboration avec nos partenaires stratégiques et partenaires associés, nous guidons et aidons les leaders de la mode du monde entier à faire de la durabilité une priorité stratégique. Parce que la durabilité n’est plus une tendance, c’est un impératif commercial.
Le Sommet de la mode de Copenhague est notre événement phare. Il s’est imposé comme l’événement commercial le plus important au monde sur le développement durable à la mode, offrant une plate-forme pour des discussions d’ordre du jour sur les problèmes environnementaux, sociaux et éthiques les plus critiques auxquels notre secteur et notre planète sont confrontés. Cette année marque le dixième anniversaire du Sommet. Nous sommes ravis et fiers de présenter un panel exceptionnel de conférenciers de haut niveau.
Global Fashion Agenda, conjointement avec le Boston Consulting Group et la Sustainable Apparel Coalition, ont publié l’édition 2018 de Pulse of the Fashion Industry. Entre l’accélération du rythme des collections, l’interactivité en temps réel avec les clients ultra-connectés sur les réseaux sociaux et les innovations technologiques toujours plus durables, fallait-il reprendre la mesure du pouls de l’industrie mondiale de la mode?
Oui, il est nécessaire de prendre une mesure annuelle car les attitudes à l’égard de la durabilité continuent d’évoluer. Notre rapport de 2018 a révélé que le score Pulse de l’industrie de la mode s’était amélioré de 32 à 38 (sur 100), confirmant que la durabilité occupait une place de plus en plus importante dans le programme des entreprises.
Cependant, nous constatons également que le rythme du changement ne va pas assez vite – ou assez loin. Nous allons donc continuer à produire un rapport annuel pour mesurer la performance de l’industrie en matière de durabilité, évaluer les progrès et indiquer comment les marques peuvent améliorer leur performance en matière de durabilité.
En mai 2018, 94 entreprises représentant 12,5% du marché mondial de la mode avaient signé l’engagement relatif au système de mode circulaire 2020 (Engagement 2020). Bien qu’il s’agisse d’un signal fort pour l’ensemble du secteur mondial, la voie pour impliquer tous les acteurs du secteur de la mode est encore longue. Selon vous, que faut-il mettre en oeuvre pour impliquer encore plus de marques dans les prochaines années?
La promesse faite par les marques qui ont déjà signé l’engagement de 2020 peut conduire à un changement concret en signalant aux autres acteurs du secteur que la circularité est l’une des priorités de leur entreprise.
Nous cherchons à faire de la durabilité la “nouvelle norme” dans le système de la mode afin qu’elle devienne une partie intégrante de toutes les prises de décision au niveau de la direction. Nous devons insister sur l’importance de la collaboration entre les parties prenantes et sur le fait que nous ne pouvons parvenir à un changement positif à un rythme accéléré qu’en unissant nos forces.
Votre organisation travaille à l’international et l’engagement de grandes marques est extrêmement important. Cependant, vous mettez également à disposition d’autres outils très pratiques pour guider les autres entreprises de mode vers des produits et des produits plus durables, quel que soit leur profil. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les boîtes à outils que vous avez développées pour aider toutes les entreprises du secteur?
En facilitant les activités de partage des connaissances, nous cherchons à aider les signataires à définir leurs stratégies circulaires et à surmonter les obstacles potentiels. Cela implique de partager les connaissances clés et les meilleures pratiques entre les signataires et d’inclure des experts du secteur pour explorer des solutions. Une boîte à outils a été développée pour chacun des points d’action présentés dans l’Engagement 2020.
La boîte à outils Circular Design est conçue pour aider les marques de mode et les détaillants qui cherchent à découvrir le design circulaire, en soulignant le rôle que le design joue dans la création d’un système de mode circulaire. Il vise à redéfinir le cycle de vie des vêtements en les intégrant en boucle dans le système de mode.
La boîte à outils Garment collection est conçue pour aider les marques de mode et les détaillants qui souhaitent mettre en place un système de collecte de vêtements.
La boîte à outils Resale est conçue pour aider les marques de mode et les détaillants qui souhaitent explorer des stratégies de revente. Il vise à redéfinir le cycle de vie des vêtements en leur donnant de multiples vies.
Enfin, la boîte à outils pour le recyclage des textiles est conçue pour aider les marques de mode et les détaillants qui souhaitent augmenter la part de fibres textiles recyclées post-consommation dans leur production.
Global Fashion Agenda et l’Institut Français de la Mode ont signé un protocole d’accord visant à promouvoir la durabilité dans la mode. Le succès de votre mission passe-t-il nécessairement par des échanges avec le monde de la formation, de l’éducation, au plus près des nouvelles générations?
Le protocole d’accord signale la volonté commune de renforcer les liens et d’établir de nouveaux accords de partenariat afin d’accélérer la durabilité dans le secteur de la mode. Global Fashion Agenda a pour mission de relever les défis sociaux et environnementaux auxquels est confrontée notre industrie et de relever ces défis, un effort commun est nécessaire. Signer le protocole d’accord est important pour accomplir des changements plus larges dans les entreprises de mode françaises et pour guider les leaders de l’industrie vers de nouveaux modèles économiques.
Nous reconnaissons l’importance d’éduquer les générations futures et nous organisons chaque année le Sommet de la mode de la jeunesse, un partenariat avec le Pacte mondial des Nations Unies, qui se concrétise sous la forme d’un programme d’étudiant d’une durée de deux ans, destiné à mettre au défi les étudiants les plus talentueux du l’industrie de la mode afin de créer un cadre pour l’industrie sur la façon d’atteindre deux des objectifs de développement durable.
Tout en réalisant l’importance du système éducatif, nous nous concentrons principalement sur les dirigeants et les décideurs.
Le Sommet de la mode de Copenhague fêtera ses 10 ans lorsque la prochaine édition aura lieu les 15 et 16 mai 2019, «10 ans de réécriture de la mode». Que voudriez-vous dire aux dirigeants du secteur pour les encourager à rejoindre ce mouvement et à participer à la prochaine édition?
En tant qu’industrie, nous devons tous contribuer. Nous devons tous être conscients que nous sommes des citoyens du monde et que nos actions ont un impact. Créer un réel changement dans le système de la mode nécessite un effort de collaboration. Il faut que des penseurs de premier plan et des acteurs puissants se rencontrent et unissent leurs forces.
Cette année marque le 10e anniversaire du Sommet. Il continuera de faire passer l’industrie des mots à l’action, constituant un espace interactif qui incite les dirigeants à agir face aux problèmes auxquels notre secteur est confronté. Il fournit une plate-forme pour des discussions sur l’établissement d’un programme sur les problèmes environnementaux, sociaux et éthiques les plus critiques auxquels notre secteur et notre planète sont confrontés.
Quel exemple d’initiative ou de produit lancé autour de la durabilité vous a récemment surprise?
Pas réellement de surprise mais je reste impressionnée par le fait que tant d’entreprises intensifient leurs efforts pour lutter contre le changement climatique en s’engageant dans des initiatives telles que la Charte de la mode de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Propos recueillis par N. Righi – Février 2019