Basée à Guidel, l’entreprise bretonne Le Minor vous le garantit : un pull Le Minor dure au moins quarante ans !
Marinières, pulls, ou encore bonnets, Le Minor fabrique dans ses deux ateliers bretons des vêtements inspirés de l’univers marins 100% français, aux antipodes de la fast fashion, et ce depuis 1922. Et si en cent ans d’existence l’entreprise a subi bien des aléas et crises de l’industrie textile, elle a pu compter sur un développement international majeur et bénéficie d’une belle notoriété en Asie.
En 2018, Jérôme Permingeat et Sylvain Flet, jeunes entrepreneurs convaincus du bien-fondé de la fabrication française, ont repris la marque alors en difficulté pour la projeter dans un avenir durable. Les deux dirigeants se sont donné une mission : continuer à produire des vêtements durables et désirables et éternels, tout en sauvegardant des savoir-faire textiles en France. La marque mise sur la qualité de ses produits, mais également sur un design renouvelé, une communication modernisée et une stratégie digitale renforcée pour séduire une nouvelle clientèle tout en satisfaisant les envies de sa clientèle historique.
Si l’internationalisation reste un point d’ancrage majeur, la préservation et la transmission des savoir-faire, l’innovation, et la modernisation continue des usines sont au cœur de la capacité à se renouveler et à rebondir qu’ils entendent insuffler à la société. Directeur général associé, Jérôme Permingeat a accepté de nous présenter ce qui fait l’ADN de la marque Le Minor, son histoire, mais aussi les étapes clés d’une transformation mise en œuvre depuis trois ans et demi, et les stratégies mises en œuvre pour façonner l’avenir de la marque en France et à l’étranger.
Acquérir et investir dans une entreprise industrielle de la filière textile en France est un choix à la fois audacieux et risqué. Pourriez-vous nous expliquer ce qui a motivé votre décision en 2018 ?
Sylvain et moi-même avions déjà développé dès 2013 une marque d’accessoires colorés pour hommes baptisée Le Flageolet autour d’un produit phare, le nœud papillon. A l’époque, nous travaillions tous les deux dans des cabinets de conseil parisiens. Le retour du nœud papillon et l’abandon de la cravate nous avait donné envie de lancer ce side projet un peu décalé, qui nous permettait d’exprimer nos envies de création et d’appréhender le monde de l’entrepreneuriat. La marque fonctionnait bien et nous souhaitions élargir la gamme de produits avec notamment les bonnets, lancés en 2015, des bonnets réversibles, colorés et made in France.
Nous avons à ce moment-là identifié la marque Le Minor qui venait d’ouvrir sa fabrication à de la marque blanche, et avons découvert cet atelier fabricant des vêtements intégralement du fil au produit fini avec des yeux d’enfant. En effet, nous avons été littéralement subjugués de voir qu’il existait encore aujourd’hui, sur le territoire français, une industrie capable de maîtriser tout le process dans ses propres ateliers de production. Cette activité correspondait en tout point à nos valeurs personnelles, et rencontrer les salariés qui fabriquaient des produits d’une telle qualité avec autant de passion nous a touché.
Nous avons donc lancé la fabrication de nos bonnets en marque blanche chez Le Minor en juin 2016, sans aucune velléité à l’époque de racheter l’activité. Or un an plus tard Mme Grammatico, propriétaire de Le Minor, nous a fait part de son désir de partir à la retraite et donc de son souhait de rechercher un jeune repreneur qui s’engage à reprendre 100% des salariés en poste à l’époque, avec une véritable ambition de redéploiement pour la marque, et qui accepte ses conditions financières. Du côté de notre propre marque nous étions à une époque charnière. Celle-ci se développait bien mais uniquement sur de l’accessoire homme made in France. Il nous fallait alors passer le cap d’un développement sur l’univers de la femme, du prêt-à-porter, et du développement international. Sur le papier, nos ambitions étaient donc complémentaires. Ensuite, et bien c’est surtout une histoire de rencontres et de confiance, presque un coup de foudre professionnel, qui nous a fait franchir le pas jusqu’à devenir propriétaires de Le Minor le 31 mai 2018.
Assurer la pérennité de cette belle entreprise centenaire demande nécessairement de jouer avec la créativité. Quel cap avez-vous dû franchir pour moderniser des produits identifiés comme traditionnels ou intemporels ?
Il faut tout d’abord préciser que, de 1922 à 1980, la marque Le Minor n’était pas une marque de vêtements marins. C’était une marque de prêt-à-porter, spécialiste du manteau – puisqu’elle a créé le kabig breton, l’ancêtre du caban, un manteau en drap de laine destiné aux pêcheurs- et des pièces à manche. La marque s’est ensuite développée sur du prêt-à-porter haut de gamme jusqu’à devenir le « Dior breton » dans les années 1970. En parallèle existait la Manufacture de bonneterie lorientaise (MBL) spécialiste du tricotage de pulls marins et de marinières qui opérait sur le marché du vêtement traditionnel marin.
En 1982, la MBL a racheté la marque Le Minor alors en faillite, ce qui de fait a transformé cette dernière en spécialiste du pull marin, ce qu’elle n’était absolument pas au départ ! Lorsque nous avons repris l’entreprise, nous avons donc fait face à la problématique suivante : moderniser l’activité et l’image d’une entreprise historique qui, pour le consommateur français, fabrique « des pulls marins qui grattent », alors même que pour sa clientèle internationale et en particulier asiatique, c’est une marque premium très haut de gamme voir luxueuse. A cette époque 90 % du chiffre d’affaires était réalisé en Asie, les 10 % restants étant encore réalisés en France via un réseau de boutiques traditionnelles côtières.
En 2018, Le Minor réalisait 98 % de son activité en B to B, ce qui nécessite de la productivité et du volume. Le B to C en revanche était quant à lui très peu développé. Le site internet n’existait pas et la visibilité de la marque était limitée à ses canaux de distribution physiques, c’est-à-dire les boutiques de bord de mer et l’unique magasin d’usine à Guidel. Notre première décision stratégique a été de repenser, “refiter” et moderniser les produits des lignes existantes, et de développer de nouvelles gammes dans l’air du temps, hors segment traditionnel marin sur lequel il est beaucoup plus difficile d’être compétitifs. Le challenge est d’être différenciant sans renier l’ADN de la marque tout en conservant la clientèle fidèle depuis plusieurs années.
En termes de stratégie commerciale, notre business model tend à évoluer vers un rééquilibrage entre le B to B et le B to C. Dans 5 ans, ce dernier doit pouvoir représenter 50 % du chiffre d’affaires. Celui-ci, qui était de 1,4 MEuros lors de la reprise en 2018, s’élève aujourd’hui à 3,3 MEuros, et nous espérons clôturer l’année 2021 2022 à 4 MEuros. Et cette belle croissance est très rentable puisque nous présentons chaque année, depuis 2018, un résultat net représentant 10 points de chiffre d’affaires. Le B to C qui était inexistant il y a 4 ans représente déjà près de 20 % de l’activité, principalement grâce à notre site internet mais aussi à nos boutiques situées à Guidel et à Paris.
La stratégie commerciale des années à venir est basée sur le digital, et ce qui fonctionne sur ce canal est porté par la désirabilité du produit. Pour nos collections 2021 et 2022, nous avons fait appel au directeur artistique Gauthier Borsarello pour redéfinir la ligne directrice de la marque et la moderniser. Il a parfaitement rempli ce contrat pour les deux lignes de produits. Sur la première ligne marine plus traditionnelle, affichant les marqueurs de l’ADN de la marque, avec les marinières, les pulls marins boutons, les classiques, nous sommes venus changer des matières en utilisant par exemple de la laine mérinos plutôt que de la laine vierge tout en gardant le lien avec l’univers de la mer. C’est une ligne sur laquelle nous ne faisons que du col remaillé, ce que nous sommes les seuls à faire aujourd’hui sur ce marché historique. La deuxième gamme de produits se veut beaucoup plus moderne, avec des pulls à capuche, des effets de maille, des éléments plus créatifs avec un molleton exclusif. Nous renouons ainsi avec les racines de la marque dans les années 60, c’est-à-dire une marque de prêt-à-porter haut de gamme.
Vous avez développé un nouveau molleton mérinos exclusif grâce à des savoir-faire centenaires. Comment est née cette innovation textile ? Comment la créativité prend-elle vie au sein de l’entreprise ?
Lorsque nous avons pris les rênes de l’entreprise, il n’y avait plus seul tricoteur en poste, formé lors de la dernière promotion de l’école de la maille. Son métier était donc échantillonneur /développeur, or il était au quotidien dédié à la production. Nous avions donc à résoudre une équation : retrouver notre capacité à utiliser et valoriser notre outil de production pour imaginer de nouveaux produits, en misant sur un technicien au savoir-faire pointu mais qui manquait de temps pour se consacrer au développement.
La décision de recruter une équipe de bonnetiers dédiés à la production a rapidement été prise, afin de permettre à notre développeur de se consacrer à la création. Parallèlement à cela nous avons recruté une styliste en freelance et organisé un comité de création composé de cette dernière, de mon associé Sylvain, de notre échantillonneur développeur et de notre patronnière modéliste.
Ce quatuor se réunit chaque semaine pour imaginer ces nouveaux produits différenciant, et alimenter la stratégie créative de la marque. Et c’est un élément vraiment essentiel car si nos pulls durent 40 ans, nous ne pouvons bien entendu pas attendre que les clients usent leurs vêtements pour vivre de notre activité ! Il est essentiel de proposer des nouveautés et d’entretenir la désirabilité des gammes.
Comment relevez-vous le défi de la préservation des savoirs et savoir-faire essentiels à votre activité ?
Lors de la reprise de l’entreprise, il y avait 22 salariés monopostes avec une moyenne d’âge de 58 ans. Le constat était plutôt inquiétant puisqu’à l’horizon de deux ans, tous les experts et savoir-faire de la société allaient potentiellement partir en retraite. Nous avons réussi, avec l’accompagnement de l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH), à sécuriser ces savoir-faire et à projeter les ateliers Le Minor dans l’avenir en y intégrant à la fois de la polyvalence et de la transversalité . Un des points cruciaux était la sécurisation du remaillage, car sur savoir-faire unique nous n’avions plus qu’une seule experte. Aujourd’hui nous avons quatre personnes formées à ce métier, qui montent progressivement en productivité.
La stratégie de consolidation et renforcement de l’équipe nous permet également de fidéliser et retenir les talents, puisque les collaborateurs trouvent un réel intérêt à leur activité. Il est évident qu’un employé de 22 ans aujourd’hui ne rêve pas de faire du surjet durant les 45 prochaines années de sa vie ! Alors que si vous lui proposez de fabriquer un vêtement en participant à chaque étape du process, il peut rester motivé et donner un véritable sens à son métier.
Les chantiers ont été nombreux depuis l’acquisition de l’entreprise : structuration de la gouvernance, structuration industrielle, stratégie de marque, innovation produit…quel est selon vous, l’élément fondateur de votre réussite aujourd’hui ?
Ces trois dernières années, nous avons effectivement repris la parole, créé de nouveaux produits, sécurisé les savoir-faire, structuré l’activité industrielle, et nous avons aujourd’hui une équipe dirigeante d’une moyenne d’âge de 35 ans. Mais nous n’avons pas réalisé cela seuls Sylvain et moi. Pour réussir à relever le challenge, nous avons je crois surtout réussi à nous entourer des bonnes personnes, en plus de pouvoir compter sur nos salariés volontaires et engagés.
Même si 90% du capital nous appartient, nous avons en particulier repris Le Minor avec le précieux soutien d’Alain Sourisseau. Et si Alain est l’un de mes mentors à titre personnel, il est avant tout reconnu comme l’un des grands spécialistes français des retournements d’entreprises patrimoniales combinant marques commerciales et actifs industriels. Il a surtout, et c’est assez rare dans ce métier, une véritable vision sociale et le souhait de protéger les emplois, les métiers et savoir-faire lorsqu’il s’engage dans un projet. Alain est extrêmement présent, et est en copie de chacun de nos mails depuis 3,5 ans, ce qui lui permet d’avoir le recul nécessaire aux décisions que nous n’avons pas forcément dans l’action jour après jour. Il participe également au comité de direction chaque lundi matin et nous rejoint sur site deux jours par mois. Nous sommes ici très loin d’un investissement purement financier !
Le Minor fait partie des sociétés bénéficiant du soutien financier accordé par le plan de relance gouvernemental lancé suite la crise sanitaire et à la prise de conscience des besoins de l’industrie. Pourriez-vous nous expliquer en quelques mots les projets et investissements à venir ?
Nous sommes lauréats du plan France Relance pour la Réindustrialisation des territoires sur le volet Matériels. La subvention de 400 000 euros qui nous est accordée porte, pour les trois quarts de la somme, sur l’achat de matériels de production permettant à terme de générer de l’emploi, et pour le dernier quart à la digitalisation, la modernisation et l’automatisation de la production. Les 200 000 euros déjà reçus ont servi à l’acquisition de machines à tricoter et de machines à coudre , dans le cadre du lancement avec la région Bretagne, Pole Emploi et IFTH de l’Action territoriale pour l’emploi (ATE) en novembre 2020. L’achat d’un automate de coupe est d’ores et déjà prévu afin de libérer le reste du financement.
Cependant, l’immobilier et les travaux sont parfaitement exclus de cette subvention. Nous avions déjà engagé des financements plus classiques pour lancer, il y a quatre mois maintenant, la rénovation de nos bâtiments avec un investissement d’1,5 millions d’euros dédié à la remise à neuf de 2800 m² sur les 7000 m² d’ateliers que comptent le site de Guidel. A l’occasion des 100 ans de l’entreprise cette année, nous pourrons inaugurer en avril prochain ce bâtiment neuf qui accueillera nos équipes des ateliers de confection dans de parfaites conditions de travail. Concernant le tricotage, il fait l’objet du deuxième lot de rénovation prévue entre avril et juillet prochain. Nous projetons l’entreprise dans la modernité en investissant dans ces bâtiments-là, une action qui sera renforcée par plusieurs opérations marketing tout au long de cette année anniversaire. L’objectif est de financer la croissance de la société, pour quasiment tripler le chiffre d’affaires sur les 3 prochaines années et atteindre 20 à 25 MEuros de CA d’ici 7 à 8 ans.
Le plan de développement est par ailleurs assez clair. Il s’agit de continuer à fabriquer nos vêtements de façon totalement intégrée entre nos ateliers de Guidel et Quimper, et poursuivre notre mission qui reste de produire des vêtements durables, désirables et éternels en sauvegardant les savoir-faire textiles traditionnels en France. Cela nécessite plusieurs millions d’euros de financements que nous souhaitons engager cette année : la moitié étant dédiée au développement marketing de la marque : la lisibilité de notre offre, la désirabilité des produits et la visibilité de la marque. La seconde partie de ce financement servira à financer la disponibilité de l’offre, c’est-à-dire à garantir la bonne adéquation de nos moyens industriels avec nos ambitions commerciales
Ceci implique que nous poursuivons l’acquisition de machines, mais aussi le recrutement de nouvelles équipes de production. Si le management intermédiaire a déjà été renforcé, nous préparons pour mai prochain le lancement du recrutement de notre quatrième promotion de couturières, toujours avec le soutien d’IFTH, et sur le modèle des précédentes actions qui ont prouvé leur efficacité. Ce sont des accompagnements sur 8 mois, soutenus par Pôle Emploi et la Région Bretagne. Concrètement, les stagiaires suivent des formations techniques, dispensées par IFTH deux semaines par mois, et par un formateur interne les deux autres semaines. Une véritable relation de confiance entre tous les acteurs s’est installée et nous permettent d’œuvrer pour le retour à l’emploi de personnes désireuses de travailler, d’apporter un véritable sens à notre activité de production, et de préserver des savoir-faire traditionnels tout en les modernisant. Si l’effectif était de 22 personnes en 2018, ce sont plus de 60 personnes qui travaillent chez Le Minor aujourd’hui, et nous espérons atteindre les 90 collaborateurs d’ici trois ans.
Et concernant les projets de digitalisation ?
Nous avons fait basculer l’atelier dans une nouvelle ère avec l’installation d’un progiciel de gestion, un ERP personnalisé, en mode SaaS, c’est-dire une installation logicielle qui nous apporte une vraie accessibilité des applications et services informatiques nécessaires à notre activité.
Nous travaillons actuellement sur un important projet d’automatisation de découpe de maille coton, ce qui est complexe et qui n’existe pas en France. A l’heure de l’industrie 4.0, nous serons heureux d’atteindre l’atelier 2.0 qui nous permettra de valoriser pleinement le savoir-faire de nos équipes !
Le développement durable et la RSE font partie des engagements stratégiques de la filière. Si le rôle social de Le Minor est très facilement identifiable, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les axes de développement concernant la circularité des produits par exemple ?
L’impact carbone de notre activité de fabrication est de fait limité puisque nous travaillons avec un fil filé en France, effectuons le tricotage et la confection sur un même site, garantissons une teinture faite sur le territoire. Bref le circuit est raccourci autant que possible. Par contre, l’activité industrielle textile génère un grand volume de déchets de coupe, que nous recyclons aujourd’hui immédiatement. Nous travaillons en partenariat avec les sociétés Texcelis et Buitex, deux spécialistes de l’effilochage qui transforment nos chutes en composants de matelas ou en feutres d’isolation pour l’industrie automobile.
Nous souhaitons également améliorer l’étape de coloration autant que possible. Pour cela, pour échangeons beaucoup avec notre partenaire, Teintures et Apprêts Danjoux (TAD), et suivons les progrès d’une entreprise française assez unique par son activité de fabrication de pigments végétaux, et qui connaît un fort développement.
Concernant la durabilité à l’usage et l’activité de seconde main, il existe en effet un certain nombre de pulls éternels Le Minor encore sur le marché puisqu’il a été fabriqué jusqu’à 3000 pulls par jour dans les années 80 ! Tous ces pulls, manteaux, vareuses qui restent en bon état ne doivent pas dormir dans des placards. Nous avons donc choisi de proposer à nos clients de les rapporter en échange de bons de réduction sur nos nouvelles gammes. Selon l’état des vêtements, ceux-ci sont réparés si nécessaire, lavés, parfois modernisés, et remis en vente via notre site web, et dans notre friperie de luxe parisienne qui a ouvert fin janvier. Plus de 250 pièces d’archives y étaient présentées, et 60 d’entre elles ont été vendues dès le jour d’ouverture, ce qui prouve que cela répond à un besoin réel de consommateurs de plus en plus sensibles à l’impact de la mode sur l’environnement et à l’histoire des marques françaises.
Avez-vous constaté un véritable changement dans le comportement d’achat des consommateurs, notamment sur la question de la traçabilité ?
La jeune génération est indiscutablement attirée par les marques qui apportent la preuve de la traçabilité de leurs produits. C’est en cela que Le Minor est une marque différenciante sur un marché qui peut, encore aujourd’hui, avoir parfois des difficultés à tracer concrètement la fabrication du produit. Nous avons ouvert nos portes au public lors des journées du patrimoine et avons eu la surprise d’avoir entre 400 et 500 visiteurs par jour ! Ces personnes sont avides d’informations, curieuses de chaque étape de fabrication, surprises également de voir nos machines fonctionner. La série vidéo intitulée « Secrets de fabrication » que nous avons mis en ligne fonctionne également très bien. Et récent point d’orgue, Le Minor a eu fait l’objet d’un reportage diffusé lors d’un Journal télévisé d’un dimanche midi sur une grande chaine nationale. L’impact a été véritablement bluffant, que ce soit commercialement mais également du côté des sollicitations presse.
Chez nous, nous n’avons rien à prouver, tout est transparent. Nous nous sommes même interrogés sur la pertinence ou non de rechercher un label d’origine, mais à notre connaissance aucun des labels existants ne permettent de garantir au consommateur un fabrication 100% française, le ratio demandé étant généralement porté à 75%.
Et concernant l’origine et la traçabilité des matières, pourquoi ne pas afficher de label « bio » ou autre comme le font de nombreuses autres marques ?
Le coton biologique est un excellent exemple de la difficulté de choisir et d’assumer certains labels. Que puis-je revendiquer si le coton que j’utilise est labellisé comme biologique mais récolté par des populations ouighours en Chine ? Un coton biologique peut-il alors vraiment toujours être considéré comme durable et responsable ?
Chez Le Minor, nous achetons notre coton chez le filateur français Tissage Mouline Thillot (TMT) qui nous informe de sa provenance et qui le file sur le territoire. Notre filateur nous certifie que ce coton est labellisé GOTS, mais nous ne souhaitons pas en faire un argument marketing. Nous sommes avant tout une marque de mode qui a la chance d’avoir encore un très bel outil de fabrication en France pour y produire ses vêtements, et non pas un fabricant qui possède une marque. C’est un peu différent, et cela a son importance. Sans doute que, pour conforter la notoriété de la marque, nous serons un jour dans l’obligation d’afficher un label, mais aujourd’hui, celui qui se pourrait correspondre le plus à nos valeurs serait peut-être l’Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). C’est une question que nous aurons à étudier dans les mois à venir.
La personnalisation des produits est une demande croissante du marché, est-ce un axe de développement envisagé chez le Minor ?
Actuellement, nous ne travaillons pas en marque blanche et tous nos produits sont commercialisés sous la marque Le Minor. Nous avons simplement des opérations spéciales, lorsqu’un client souhaite offrir une série de pulls à un public particulier, qu’il souhaite co-brander ponctuellement les produits. Ce type de personnalisation de production est proposée pour une commande minimum de cent pièces d‘un modèle, et de toute façon, Le Minor apparaîtra sur le vêtement.
Nous travaillons beaucoup à l’international et adaptons nos tailles et collections selon les morphotypes de nos clients, notamment asiatiques. Par contre, concernant des opérations de personnalisation pour des particuliers, comme la broderie d’un prénom ou autre, c’est un service que nous ne proposons pas encore, mais sur lequel nous travaillons et qui sera sans doute l’un des axes forts de développement de la désirabilité du produit, et donc de notre stratégie marketing.
Avez-vous une marque ou un créateur qui vous inspire particulièrement ?
Hermès m’inspire beaucoup, et j’ai envie de faire évoluer Le Minor vers leur niveau d’exigence !
En plus de deux cents ans d’existence, cette marque n’a jamais dérogé à la qualité de ses produits, en réussissant à concilier au quotidien authenticité, tradition, savoir-faire et créativité…. Finalement, nous avons un peu la même mission : fabriquer des produits durables, désirables, et préserver les savoir-faire traditionnels en France.
-Propos recueillis par N. Righi – Février 2022-