Gigoteuse, body, dors-bien, bonnet, pyjama, barboteuse, brassière…les jeunes parents n’ont jamais eu autant le choix pour habiller leurs nouveau-nés ! Et si les couleurs et les motifs sont autant de raisons d’enrichir leurs garde-robes, ces bébés-là sont aussi exigeants : confort, sécurité et bien-être doivent être au rendez-vous des premières nuits, des jeux et des découvertes.
Pour répondre aux besoins de ces jeunes clients, la Manufacture de Layette et Tricots (MLT) s’est spécialisée dans les produits layette tricotés en France depuis plus de quarante ans. Grâce à un partenariat historique avec l’enseigne E. Leclerc, et sur son modèle économique unissant une production automatisée réalisée sur ses machines à tricoter en France et un sous-traitant tunisien spécialisé dans la confection, MLT peut se permettre d’afficher un taux de croissance de son chiffre d’affaires de 15 % par an. Une performance remarquable au cœur d’un marché global de l’habillement qui peine à se développer ces dernières années. Une performance due aux efforts conjoints des deux dirigeants Karine RENOUIL TIBERGHIEN et Arnaud de BELABRE.
Après avoir repris la Manufacture de Layette et Tricots (MLT) en 2016 à Tarbes, ils ont confirmé le déploiement et la diversification de l’activité avec le rachat en 2018 des Tricots Jean Ruiz, à Roanne. Leur aventure industrielle s’inscrit dans le long terme, ancrée sur les valeurs de l’entreprise. Leur leitmotiv : innover, valoriser le savoir-faire local, promouvoir leur savoir-faire, dans le respect de l’environnement et des hommes. Et cela fonctionne : depuis 2016, la production annuelle est passée de 400 000 à 500 000 pièces. Karine RENOUIL TIBERGHIEN a accepté de revenir pour nous sur l’aventure MLT, sur les forces de cette belle PME textile française, et sur ses développements à venir.
La croissance de votre activité est importante ces dernières années, alors même que le secteur de l’habillement a connu des périodes difficiles. Selon vous, pourquoi votre pari de la reprise industrielle qui semblait un peu fou au départ s’avère aujourd’hui gagnant ?
Je cherchais pour ma part à reprendre une entreprise, avec un processus industriel que je sois en mesure de comprendre et de promouvoir. Etant issue d’une famille de « textiliens », j’avais déjà ressenti toute la fierté de produire un produit textile grâce à mon grand-père, mais également toute la douleur éprouvée lors de la crise du secteur et de la faillite de plusieurs ateliers. Lorsque j’ai visité MLT, alors encore située à Tarbes, j’ai immédiatement su que ma place était au cœur de cette entreprise ! De son côté, Arnaud pariait déjà sur le retour en force du Made in France, avec son côté visionnaire, nous nous sommes donc lancés ensemble dans l’aventure MLT
Son activité était située sur un marché de niche -la layette tricotée pour le circuit grande distribution- avec une production difficilement délocalisable sauf pour l’étape de confection. Le business model existait, il suffisait de booster l’activité commerciale. C’est ce qui nous a permis d’être facilement accompagnés par les banques, dans la mesure où le risque financier et commercial était plutôt maîtrisé.
Nous nous sommes alors concentrés sur le démarchage d’autres clients ayant le même profil que E.Leclerc, le client principal de MLT. Avec l’appui de nos clients fidèles, nous avons commencé à travailler avec Carrefour, Auchan ou encore Gemo. Le réseau de grande distribution est extraordinaire, ces acteurs font preuve d’une grande solidarité pour défendre le made in France.
La grande distribution est donc un de vos clients majeurs, qu’est-ce ces enseignes viennent chercher chez MLT ?
Bien évidemment, les produits fabriqués en France sont une demande de leurs clients, mais ce n’est pas la seule raison de leur choix.
D’une part, faire fabriquer en Asie implique en effet un certain nombre de coûts cachés : des coûts en termes de qualité, de traçabilité, de commandes importantes qui doivent être passées très tôt dans la saison, avec un risque accru de rester avec des lots à soldés ou des invendus, ou inversement d’être en rupture de stock, des taux de change fluctuants, … bref tout cela impacte le coût de revient final du produit. Une marque comme E.Leclerc s’est bien entendu rendu compte de cet impact. Faire fabriquer en France a donc aussi un intérêt économique.
D’autre part, nous travaillons en partenariat avec eux, et nous sommes en mesure d’apporter toute la réactivité et la souplesse nécessaires à leurs cycles de ventes. Nous avons d’ailleurs déménagé dans une nouvelle usine à Pau mi 2018 afin d’augmenter nos capacités et répondre aux besoins de nos clients de la grande distribution.
Nous travaillons sur une quinzaine de coloris par saison, et nous accordons avec chaque enseigne sur les modèles qu’elle souhaite proposer. Nous livrons les magasins dans la semaine qui suit leur commande (Leclerc, Carrefour, Cora, Auchan, les réseaux de boutiques BB9 et Autour de BB) ou les centrales qui proposent un horizon de commande à 3 semaines (AUBERT,Casino Gemo), Nous portons un stock tampon maîtrisé car nos délais de fabrication sont très courts. Nous sommes capables de tricoter, assembler et livrer entre 10 et 15000 pièces en 3 semaines. Le marché français est un marché mature et que nous connaissons bien, nous partageons avec eux notre expérience acquise à travers les années. Avec 500 000 pièces vendues chaque année, nous sommes devenus des interlocuteurs privilégiés pour la connaissance du marché.
La dynamique d’innovation a-t-elle été insufflée en partie par ce partenariat ?
En effet, nous échangeons régulièrement avec les acheteurs des grandes enseignes, mais aussi les directeurs-trices de magasins, de rayons, etc.
Nous avons par exemple constaté l’existence une vraie demande autour du fil recyclé, et avons initié un développement depuis un an avec le filateur français UTT Yarns. Nos essais sur un fil 50% polyester recyclé/50% coton s’avèrent très concluants, nous pourrons donc bientôt proposer des produits tricotés avec ce type de fil innovant pour le marché cible.
Reste une interrogation : les clientes seront-elles au rendez-vous ? Si ce type de matière recyclée est depuis plusieurs années parfaitement acceptée par les adultes, voire même pour le vêtement enfant, nous ne savons pas encore si les jeunes mamans accepteront de faire porter « une bouteille en verre recyclée » à leur nouveau-né. Les produits innovants sont donc testés en corner. C’est un autre avantage de la proximité, pouvoir limiter les risques.
Vous avez également depuis 2018 lancé et développé votre marque propre, la Manufacture de Layette. Pourquoi avoir choisi de franchir ce pas ?
Parce que nous en avions envie !
Et nous constatons aujourd’hui que notre marque fabricant est devenue plus « forte » auprès les consommateurs que la marque de distributeur (MDD) affichée chez les grandes enseignes. La perception a donc changé sur la marque MDD, et nous avançons prudemment mais surement en marque propre ; nous avons même réussi à convaincre Gemo de proposer quelques-uns de nos produits, des articles du trousseau de naissance, sous notre marque. Nous apprécions ainsi de pouvoir communiquer sur nos valeurs : un produit Tricoté en France et fabriqué avec du coton issu d’une agriculture bio et Responsable.
Et si notre boutique en ligne n’a pas vocation à devenir un canal de vente principal, elle permet de faire connaître les produits et susciter l’envie.
Site web, Instagram, Facebook… est-il incontournable de communiquer au plus près des consommateurs finaux afin de raconter votre histoire et de créer le lien avec le client ?
Aujourd’hui, dans le domaine de la mode et de l’habillement, tous les acheteurs, les stylistes…sont présents sur les réseaux sociaux, particulièrement Instagram. Celui-ci est vraiment incontournable pour se faire (re) connaître !
Dans un autre style, Linkedin est quant à lui particulièrement intéressant pour créer et travailler en réseaux, favoriser les échanges. Mais tous permettent surtout de personnaliser l’entreprise, de mettre des visages derrière les produits. Et c’est toute notre raison d’être, remettre l’humain au centre de la création et de la fabrication de nos vêtements, de ceux de nos bébés. Nous faisons petit mais nous le faisons bien ! Voilà le message que nous transmettons, et c’est de cela que naît la confiance.
La reprise des Tricotage Jean Ruiz est-elle le résultat d’une volonté de diversification de l’activité, particulièrement vers la mode adulte ?
En effet, la manufacture de tricots Jean Ruiz est spécialiste du tricotage de vêtements pour adultes et compte parmi ses clients des marques importantes comme Lacoste ou encore Le Slip Français. La reprise de cette entreprise il y a un an s’est avérée, comme avec MLT, être une évidence, une véritable opportunité pour nous. Elle est un tremplin vers de nouvelles voies de développement, car nous faisions face à des opportunités de marché nécessitant d’autres compétences que le point mousse, en attente faute de moyens de production adaptés. Jean Ruiz nous donne accès à des machines et des savoir-faire uniques.
Devenir plus agile nous demande en effet de se diversifier, de répartir les risques sur différents marchés. Or il s’est avéré que nous avons découvert lors de la reprise des Tricots Jean Ruiz ses machines à tricoter dernier cri, capables de tricoter les tiges des sneakers, cette chaussure particulièrement tendance en ce moment. Outre le marché de la mode, cela nous donne donc accès aux marchés de la chaussure et des tricots techniques.
Concernant les sneakers en particulier, l’étape de tricotage revient économiquement au même prix qu’elle soit effectuée en France ou en Asie. Et c’est un marché de renouvellement puisqu’au contraire d’un vêtement de qualité qui va durer dans le temps, l’usure naturelle de la sneaker utilisée au quotidien est inéluctable. Alors pourquoi se priver d’une fabrication locale ! Vous verrez donc très bientôt sur le marché des sneakers tricotées en France.
Comment imaginez-vous l’usine textile du futur ?
Elle sera sans nul doute le résultat d’un juste équilibre entre automatisation de l’activité, et la création, le savoir-faire humain.
Le marché est en demande de produits fabriqués rapidement et qui nécessitent moins de main d‘œuvre, comme tous les tricots seamless sans coutures. Pour ces marchés cibles, il est nécessaire et vital d’investir dans des machines de dernière génération, pour produire localement sans surcoût par rapport à la production effectuée en Asie.
Dans le même temps, il y a une vraie fierté autour du travail d’équipe réalisé dans nos usines, préserver les savoir-faire est tout aussi important que moderniser les machines. Nous avons la chance d’avoir encore des remailleuses au sein de l’entreprise, un patrimoine humain et des profils rares dont les gestes et les connaissances sont à sauvegarder. Et il faut plus de dix années pour former une remailleuse experte.
Quel est votre dernier coup de cœur textile ?
Impossible de ne pas plébisciter l’aventure du Slip Français !
S’il est vrai que cette entreprise Made in France fait beaucoup parler d’elle, je peux pour ma part affirmer que grâce à ce projet Made in France, plusieurs entreprises auront évité la faillite, plusieurs ateliers ont été sauvés ces dernières années.
Nous le vivons au jour le jour chez MLT, derrière leur marketing intelligent il y a avant tout des produits de qualité, et des équipes qui s’investissent auprès leurs sous-traitants français. Il n’est pas rare de voir des représentants du Slip Français dans nos usines, et si les Tricots Jean Ruiz ont pu perdurer c’est aussi grâce à leurs commandes arrivées au bon moment. Plus qu’un client, l’entreprise de Guillaume Gibaut est devenu un véritable partenaire de MLT.
Propos recueillis par N. Righi -Septembre 2019