Mode in Textile

Interview : Nicolas Sandjian, Dirigeant du groupe CEPOVETT

Référence européenne du vêtement professionnel, le groupe CEPOVETT fournit des solutions textiles pour protéger l’homme et la femme au travail, à travers ses 3 marques fortes : CEPOVETT SAFETY, LAFONT et OX’BRIDGE. Acteur historique de l’industrie textile depuis plus de 70 ans, le groupe CEPOVETT s’engage à offrir des produits innovants et responsables adaptés aux différents environnements de travail (vêtements de travail, uniformes, vêtements d’image et de protection).

Nicolas Sandjian, petit-fils du fondateur de la société, dirige aujourd’hui ce fleuron de l’industrie employant plus de 6000 personnes à travers le monde notamment pour le compte de grandes entreprises publiques et privées. Il a accepté de nous présenter la stratégie d’une entreprise résolument tournée vers l’innovation et le développement durable, de la conception du vêtement à sa fabrication jusqu’à son recyclage.

Le groupe CEPOVETT est devenu leader sur ses marchés, comment expliquez-vous le succès de l’entreprise ?

Entreprise familiale depuis trois générations, CEPOVETT est une entreprise contributive résolument tournée vers l’avenir. Plus qu’un simple concepteur- fabricant de vêtements, CEPOVETT accompagne également les professionnels dans la gestion de l’externalisation de leurs vestiaires d’entreprise. Nos produits s’adressent aussi bien aux artisans qu’aux grands comptes tels que : Air France, Accorhotels, SNCF, RATP, Europcar, Orange, Vinci, Sodexo ou encore la ville de Paris. La croissance du Groupe CEPOVETT s’est opérée par rachats et intégrations d’entreprises, constituant aujourd’hui un groupe homogène fort de près de 260 collaborateurs.

Le groupe CEPOVETT doit son succès à sa compréhension fine des besoins de chaque segment de marché et à sa capacité d’industrialisation rapide. Ce qui lui permet, au prix de beaucoup d’agilité, de fournir pour chacun une solution adaptée, sécurisée et compétitive.

Dans un environnement concurrentiel, innover est essentiel pour se différencier et rester leader du marché : comment cela se traduit-il au quotidien et quelle forme prend aujourd’hui l’innovation chez Cepovett ?

L’innovation sous toutes ses formes est un fil conducteur de l’entreprise. Au-delà de l’innovation Produit que nous menons conjointement avec nos partenaires industriels, notamment tisseurs, l’innovation technologique s’exprime dans notre vision des systèmes d’information, du traitement automatisé des commandes, de l’optimisation des flux ou de la digitalisation des prises de mesures. Oser remettre en question nos fonctionnements pour les améliorer, sans avoir peur de l’innovation de rupture : manager autrement, travailler autrement, produire et consommer autrement, s’approvisionner autrement, optimiser autrement, recycler autrement, sensibiliser autrement… Sans oublier le volet capital de la veille, de la réflexion stratégique et de l’intuition indispensables pour être toujours dans « le coup d’après » .

L’innovation est de plus en plus immatérielle et s’appuie sur les collaborateurs de l’entreprise, CEPOVETT privilégie l’autonomisation et la responsabilisation des hommes et des femmes afin que ceux-ci puissent s’inscrire dans une logique de bien-être au travail tout en favorisant la diversité. C’est, pour l’organisation, une façon de libérer les énergies individuelles au service du collectif, privilégier l’open innovation et porter un regard positif sur le management, le collaborateur, le travail et l’entreprise.

En 2018 notre nouveau siège social va optimiser l’organisation des processus opérationnels, la sécurité des collaborateurs, la circulation des flux (33 000 m2 de stockage) et le confort dans l’espace de travail. L’aménagement de bureau est l’une des clés du bien-être pour fidéliser ses salariés et attirer de nouveaux talents : modularité de l’espace judicieusement défini, l’ergonomie des postes de travail, l’ambiance selon les matériaux et les couleurs, ainsi que des espaces de convivialité pour les salariés.

Vous collaborez avec d’autres acteurs de la filière, en particulier sur certains projets de R&D. Par exemple, Cepovett a récemment développé une nouvelle combinaison de protection contre les risques phytosanitaires avec des acteurs comme BASF, TDV ou l’IFTH ; pourquoi choisir ce type d’innovation collaborative ?

La réglementation s’est précisée récemment en matière d’équipements de protection individuelle (EPI) nécessaires lors de l’application des produits phytosanitaires, et tout particulièrement s’agissant de ceux pour la protection du corps. CEPOVETT, BASF France Agro  et TDV Industries ont collaboré pour mettre au point une combinaison de travail qui répond à ces exigences. Cet équipement de protection individuelle (EPI) a été conçu en prenant soin du confort et de la praticité apportés à l’utilisateur. Mais surtout, il vient d’obtenir sa certification officielle, conformément aux dernières recommandations présentes dans l’avis émis au journal officiel du 09 juillet 2016 par le ministère du travail quant aux performances attendues des équipements destinés à protéger contre les produits phytopharmaceutiques. La solution proposée est une combinaison avec double fermeture à glissière : les doubles zips devant permettent un enfilage facile du vêtement et le tissu, fabriqué en France, est un coton, léger et respirant.

Cepovett travaille depuis quelques années pour la systématisation d’une logique d’achat responsable entre client et fournisseur. Pour la première fois, vous proposez depuis l’année dernière des vêtements professionnels conçus à partir de fibres 100 % recyclées issues des anciennes tenues de travail.  Très concrètement, comment avez-vous mis en œuvre pour ce projet, et comment sensibilisez-vous vos partenaires aux engagements RSE ?

Dès 2016, CEPOVETT a lancé le concept « Recycled clothing » : un vêtement professionnel conçu et réalisé à partir de fibres recyclées issues des tenues de travail de nos propres clients. Cette démarche innovante inspirée de l’économie circulaire permet de séparer et d’extraire le coton des vêtements usagés, pour ensuite fabriquer un nouveau tissu à partir d’un « fil recyclé régénéré ». Au total, ce sont 100% de matières premières vierges et de polyester issus du pétrole économisés. Il aura fallu près de 16 mois de réflexion et de recherches pour donner naissance à cette solution de recyclage innovante, tant par la revalorisation des anciennes tenues collectées auprès de ses clients, que par l’utilisation de polyester recyclé issu de bouteilles en plastique. Un concept aujourd’hui industrialisable qui n’aurait pu être réalisé sans l’engagement et l’association exclusive avec des partenaires industriels stratégiques, aux côtés de CEPOVETT. Le lancement de cette solution innovante de recyclage correspond à un défi industriel inédit pour la filière textile. Proposer au marché un vêtement professionnel conçu à partir de fibres 100% recyclées, notamment issues de textiles post-consommation de nos clients, s’inscrit totalement dans l’économie circulaire.

En 2018 cette démarche “éco-socio-innovante” prend tout son sens puisqu’elle est concrètement partagée avec nos clients, notamment le groupe AccorHotels. En collaboration avec la marque Novotel, CEPOVETT a collecté, recyclé et transformé les anciens uniformes des établissements hôteliers espagnols et portugais en tabliers de restauration. Résultat de cette initiative pionnière : 700 mètres de tissu ont été obtenus à partir de 650 kg de textile usagé et de polyester recyclé issu de bouteilles en plastique et 400 tabliers confectionnés dont 275 sont des modèles destinés aux enfants. En plus du bénéfice écologique, la marque Novotel a souhaité aller plus loin, en y ajoutant une dimension pédagogique. Ces tabliers, ainsi que du matériel éducatif comme des cahiers coloriages, expliquant le processus de fabrication et des crayons, ont été distribué aux plus jeunes clients des hôtels pour les sensibiliser à l’environnement et au recyclage.

Finalement, quel regard portez-vous sur l’évolution de votre métier, et sur l’industrie textile-habillement de façon plus générale ?

On ne reste pas leader sans innover ni se remettre en question constamment. Il y a bien sûr l’innovation produit  et stylistique en continue, démarche indispensable pour progresser continuellement qui est menée conjointement avec l’ensemble des partenaires industriels, notamment les tisseurs. Mais, dans un univers devenu très compétitif, la grande force de la filière textile est sa capacité d’adaptation et de résilience. Cela implique d’être ouvert sur le monde extérieur et à son écoute, l’open innovation étant l’une des voies, tout comme les textiles intelligents qui intègreront de nouvelles fonctionnalités dans le vêtement.  Avec eux de nouveaux usages naitront avec le vêtement connecté, sans oublier les nouveaux business models et autres technologies de rupture susceptibles de répondre aux nouvelles exigences des utilisateurs : plus de sécurité, plus d’éthique, plus de personnalisation….

En matière de développement durable, chaque entreprise a une responsabilité. Son activité d’industriel textile place CEPOVETT au cœur d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux majeurs. Le groupe s’est engagé dans une démarche de développement durable qui lui permet de s’adapter aux évolutions de la société, tout en assurant la performance et la pérennité du groupe. CEPOVETT inscrit la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) au service de sa performance globale, en mobilisant ses parties prenantes autour d’une démarche collaborative par l’action et l’expérimentation.

C’est ce que nous tentons de faire jour après jour conformément à notre feuille de route en mettant l’ensemble nos parties prenantes au cœur de nos actions RSE. Des clients avec lesquels nous initions des démarches de co-construction jusqu’aux fournisseurs, que nous intégrons notamment dans notre programme FabLab (déploiement de bonnes pratiques et d’innovation 360° dans nos ateliers de fabrication)

Nous considérons que l’entreprise ne peut plus se contenter de ne pas nuire, elle intègre de plus en plus l’idée de « faire du bien ». Pour CEPOVETT, l’idée d’aller au-delà de la prise en compte des externalités négatives de ses activité s’inscrit dans une volonté de maximiser son impact positif, tout en cherchant à augmenter sa valeur globale : de meilleurs produits et services, plus d’attractivité vis à vis des clients, plus de résilience sur son marché, du bien-être pour ses collaborateurs ou oser co-construire avec ses parties prenantes.

Aujourd’hui l’entreprise contributive s’inscrit au cœur du débat de société, au service d’un « bien commun ». L’enjeu est d’autant plus important qu’il conditionne la survie du modèle de l’entreprise !

Propos recueillis par N. Righi – Mai 2018