Créée en 2001, Balas Textile est une entreprise spécialisée dans la création, l’innovation, le design et la production de tissus techniques pour les domaines de la mode, du sport et de la protection individuelle civile et militaire. Si les tissus mailles et chaînes et trames étaient initialement plutôt destinés au sport et à la mode, Olivier Balas, dirigeant de la société, a misé il y a quelques années sur une diversification vers des applications plus techniques.
Une stratégie payante puisque la petite société affiche une croissance de 50% sur les 3 dernières années, et est aujourd’hui reconnue pour sa polyvalence, sa capacité d’innovation, sa flexibilité, et la performance de ses produits. Socialement responsable, Balas Textile s’inscrit dans une démarche environnementale et durable forte et a d’ores et déjà commencé à intégrer la transformation numérique sous l’impulsion de son dirigeant.
Olivier Balas croit fortement au potentiel de ses collaborateurs, et œuvre à mettre le collectif au service de la création de valeur, une valeur économique mais également humaine et environnementale, une valeur durable tournée vers l’avenir. Balas Textile propose par ailleurs une fabrication faite à 95% en France et à 100% Européenne. Echange avec un entrepreneur réaliste mais résolument optimiste pour l’avenir.
A la croisée des mondes de la mode, de l’habillement et des tissus techniques, l’innovation a pris une place à part entière ces dernières années chez Balas Textiles. Comment la structuration de l’innovation s’est-t-elle opérée au sein de l’entreprise, pour rester compétitif et différenciant sur le marché ?
Aujourd’hui, il n’existe pas d’autres choix que d’être un leader sur son marché pour exister, et c’est pour cette raison que l’innovation est ancrée au cœur de l’ADN de la société.
Plus largement, l’innovation est un réel état d’esprit, et chaque poste, chaque collaborateur peut contribuer à tout instant à son bon développement.
A-t-il été compliqué de mettre en place les outils nécessaires pour répondre aux besoins de marchés exigeants et concurrentiels comme celui des tissus pour la protection civile et militaire, qui fonctionnent souvent sur appels d’offres ?
Il faut avant tout être crédible et faire ses preuves en s’inscrivant dans la durée.
La première étape est de savoir anticiper les besoins, pour pouvoir être force de proposition, que ce soit pour des appels d’offres de l’administration publique, ou des appels d’offres privés comme dans le cas des vêtements de travail. Il est donc essentiel de mettre en place un système de veille, que ce soit au niveau de la R&D comme des équipes commerciales.
Notre travail sur le sourcing matières est également très important, en lien avec des filateurs, des chimistes, entre autres, car c’est un élément novateur qui peut faire la différence sur un marché.
Nous avons par ailleurs mis en place une capacité de prototypage rapide, afin de réduire le délai de qualification des produits, grâce à notre laboratoire interne mais également aux partenariats externes. Il est extrêmement important de pouvoir et de savoir travailler en mode collaboratif, de miser sur les complémentarités pour être le plus performants possible.
Nous nous efforçons donc au quotidien de promouvoir nos atouts auprès des acheteurs publics et privés afin de privilégier l’innovation française et éviter ainsi la dispersion des technologies tout en assurant la croissance des marchés locaux et nationaux.
La digitalisation prend une place de plus en plus importante dans vos process, et vous êtes vous-même promoteur de la « transformation numérique » au sein du secteur. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette orientation stratégique chez Balas Textiles ?
Nous évoluons de plus en plus dans une culture du partage : partage de documents collaboratifs, d’informations, planning partagé…Cela influe une vraie dynamique de projet au sein de l’entreprise et des collaborateurs.
La gestion commerciale est entièrement dématérialisée aujourd’hui, pour être au plus proche de nos clients, et la prochaine étape concernera la production.
Il est dans notre ADN de travailler de façon transversale avec nos partenaires, avec l’ensemble de la chaîne de valeur, il est donc naturel d’aller vers cette dématérialisation des process.
Près de deux tiers de vos collaborateurs ont moins de 30 ans, comment faites-vous pour recruter de jeunes collaborateurs dans un secteur souvent décrié et stigmatisé par un « manque de modernité »?
Sans forcément rechercher à tout prix de jeunes profils, il est vrai que nos offres de recrutements sont naturellement ouvertes aux collaborateurs en capacité de s’adapter rapidement aux nouvelles technologies que nous intégrons, et qui peuvent séduire ce type de profils, mais également intéresser les établissements de formation et professionnels de l’emploi qui retrouvent une occasion de rendre plus dynamique, plus « sympathique » notre secteur d’activité aux yeux des demandeurs d’emplois, plus ou moins jeunes .
L’idéal est d’avoir une belle mixité entre profils seniors, avec une certaine expérience de la vie d’une entreprise et une parfois expertise métier, et une jeune génération qui vient motiver et booster l’ensemble du groupe. Au-delà d’une question d’âge, c’est surtout un état d’esprit que nous recherchons, une dynamique, de la motivation. Et cela, nous pouvons le trouver à 20 ans comme à 50 ans !
Il est bien évidemment toujours difficile de recruter et de fidéliser dans notre secteur, et même sur notre zone géographique, mais nous œuvrons autant que possible à rendre attractifs nos métiers, notamment à travers l’action importante des syndicats professionnels, afin d’attirer les futures forces vives de notre industrie.
On parle aujourd’hui d’usine du futur en France, quelle serait votre usine du futur idéale ?
Sans aucun doute une usine dans laquelle l’humain se sera bien approprié les outils technologiques dont il dispose déjà ! Nous allons pour ceci devoir faire face à une étape de transition entre deux générations très différentes, et nous devons absolument nous préparer à travailler dans la complexité. La capacité à travailler en mode collaboratif va être essentielle, c’est elle qui va assurer la cohésion nécessaire de cette usine de demain, que ce soit en interne, mais également en externe sur son territoire.
Nous recyclons le papier, et travaillons en partenariat avec l’association SILK ME BACK dont le but premier est de participer à la sauvegarde de patrimoine textile.
Sous l’impulsion d’Isabelle Moulin, une association a créé en collaboration avec la CCO de Villeurbanne avec le soutien des industriels textiles de la région AURA et la fondation Chanel, un atelier hebdomadaire de couture pour aider les femmes en phase de réinsertion sociale. L’atelier a pour nom « Femmes Citoyennes Femmes Créatives ». Nous proposons ainsi de récupérer nos déchets textiles afin qu’elles puissent les réutiliser en apprenant à créer et concevoir…
A l’échelle d’une TPE -et elles sont très nombreuses dans notre secteur- les choix ne seront pas simples à mettre en œuvre en regard des capacités mises à sa disposition. Le travail de groupe, la dynamique de filière, le rôle des syndicats, la mise à disposition d’outils seront déterminants pour l’avenir de ces entreprises-là.
Votre marque Willskin est représentée par une série de super-héros. Pourquoi était-il important pour votre entreprise de construire, déposer une marque et d’imaginer l’histoire, le storytelling, qui puisse la valoriser ?
Sur un marché concurrentiel, tous les éléments de notre stratégie d’entreprise sont dédiés à la différenciation. Côté communication, il est apparu assez naturellement au sein de l’entreprise que notre message se devait d’être simple, percutant et efficace, même pour parler de produits extrêmement techniques et innovants.
C’est aussi un projet commun en interne qui a fédéré l’ensemble de nos collaborateurs et permis des échanges en transverses.
Comment imaginez-vous l’avenir de la filière textile habillement française ?
Je suis certain que cette filière française est promise à un bel avenir, même si il y aura toujours des phases de transformation et de renouvellement plus ou moins difficiles pour chacun d’entre nous.
Elle a prouvé sa capacité d’adaptation à travers les années, malgré une conjoncture souvent défavorable. Si l’ensemble de la profession continue ses efforts, que nous passons avec succès le cap de la transmission des savoir-faire traditionnels tout en s’assurant de prendre le virage du numérique avec succès, si nous insufflons l’énergie nécessaire et l’envie aux jeunes générations de s’investir dans un secteur plus que modernisé, alors nous garderons intact et améliorerons même sans aucun doute, le niveau de qualité de la production textile française reconnu à l’international. Nous devons aussi compter sur la dynamique de notre syndicat Unitex pour piloter cette visibilité notamment au travers de son projet d’envergure nationale French Tex.
Restons ouverts, dynamiques, innovants, performants, qualitatifs, mais avec une pointe de fantaisie aussi (!) et le futur du secteur ne pourra être qu’assuré. Les signaux forts qui existent actuellement vers un retour à une production relocalisée en tout ou partie, les enjeux sociétaux qui animent les consommateurs, notre capacité à collaborer, changé, dialogué, sont donc autant d’éléments qui me laissent toujours plus optimiste !
Propos recueillies par N. Righi – Mars 2019