“L’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions.” (Marcel PROUST)
C’est ce thème de l’audace qu’a choisi le réseau immatériel R3iLab pour sa rencontre annuelle le 5 juillet 2017 à Paris. Une belle occasion d’entendre les témoignages et les espoirs d’une vingtaine de représentants de la filière, sur les nouvelles façons de concevoir et de « penser » l’industrie du textile, de la mode, et de l’habillement.
En préambule de la matinée, les échanges entre grands témoins sur la consommation, la production et l’innovation dans les univers du textile, de l’habillement et des matériaux souples ont mis en avant les mutations profondes qui animent la filière. Frédéric Biousse, cofondateur du fonds Experienced Capital, décrit ainsi l’audace comme le fait de savoir changer, s’adapter. Mise en exergue lors de son discours, l’essentielle quête de sens du consommateur d’aujourd’hui change la donne en profondeur pour la mode mais également pour tous les autres produits (alimentation, cosmétiques…). Dans le sillage d’Apple, « on achète une façon d’être, on est ce que l’on consomme, on s’identifie à ce que l’on achète ». Au-delà du marketing, le storytelling fera la différence demain, et signifie pour l’entrepreneur de « donner du sens à sa vie, apporter du sens à ses clients ». Pour Olivier Fournier, président de la fondation Hermès, l’audace c’est aussi le courage, la notion de liberté faisant le lien entre ces deux éléments. Chez Hermès, les enjeux majeurs portent sur l’empreinte (« la signature de l’artisan, mais aussi ce qu’on laisse derrière nous »), l’authenticité, la responsabilité, l’innovation. Mais au cœur de ces enjeux, « l’audace aujourd’hui c’est peut-être l’emploi, garder l’emploi en France », la formation étant un point crucial. Enfin, Daniel Harari, directeur général du groupe Lectra, identifie les 4 grandes tendances stratégiques mondiales pour les 10 à 20 prochaines années : les millenials, au comportement très différent de leurs aînés ; la digitalisation, à travers le cloud, l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, les nouveaux modèles de développements de demain ; l’industrie 4.0 et la nécessaire remise de l’usine au centre de la chaîne de valeur, vers une personnalisation croissante des produits; et enfin la mutation chinoise, avec un modèle de croissance entre montée en gamme locale et demande en produits premium.
Illustrations de l’audace, les « rencontres improbables » initiées par le réseau R3ilab grâce à ses projets Futurs Immédiats et Connectitude ont débouché sur des produits prometteurs : corde intégrant des fonctions lumineuses, revêtement de sol événementiel connecté, mobilier indoor/outdoor avec textile producteur d’énergie à partir d’énergie solaire, textile de lin 100% biosourcé thermorégulant basé sur la technologie des matériaux à changement de phase…sont autant de témoignages de l’envie et du potentiel des acteurs à découvrir de nouvelles voies de développement et de croissance. Parmi les participants à ces projets, Benoît Basier, Président du Pôle Textile Alsace et dirigeant de Corderie Meyer Sansboeuf note la prise de conscience de la nécessaire ouverture vers d’autres métiers (designer) pour retrouver de la valeur ajoutée, en parallèle d’une structuration de la pensée autour de ce nouveau processus d’innovation. Olivier Ducatillion (Lemaitre-Demeestere) souligne la nécessité d’être en veille permanente sur les opportunités, de saisir les occasions, d’être curieux. La confiance générée par la réussite de tels projets autour de rencontres atypiques est pointée par Paul de Montclos (Garnier Thiebaut), mais aussi Arnaud Meunier(Doublet), ou encore Olivier Verrièle (Choletaise de Fabrication). Le designer Amaury Coudray traduit quant à lui la notion de partenaires en celle d’ «amis professionnels » , pour preuve de la réussite de ces projets en réseau.
Du côté des liens entre acteurs de la recherche et industriels, l’audace se traduit par de nouvelles rencontres, de nouveaux “voyages” en France et à l’étranger. Lutz Walter (Euratex) parle ainsi des 3 grands axes de la plate-forme technologique européenne : la digitalisation/virtualisation de l’industrie textile, la durabilité et la gestion des ressources, et enfin l’économie collaborative à travers la mutualisation, une nouvelle logique de partage. Cette notion d’échanges est d’ailleurs un élément-clé souligné par Gilles Orange ( Axel’One PMI) , Corinne Farace (Pôle de compétitivité Techtera), et Elisabeth Ducottet (Thuasne). Et s’il est intéressant aujourd’hui d’avoir le choix des collaborations en Europe grâce à la pluralité des acteurs, il est rappelé que la France dispose de l’ensemble des outils technologiques pour innover, notamment à travers les centres techniques comme l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH). Et surtout, qu’il existe en France le crédit impôt recherche, disposition aujourd’hui plébiscitée par l’ensemble de la filière.
Enfin, les perspectives ouvertes par les nouveaux modes de production sont nombreuses, notamment pour la fabrication française, le “made in France”. Guillaume Gibault (Le Slip Français) Hubert de Boisredon (Armor), Philippe Ridera (Lectra), Jean-Louis Fréchin (NoDesign), Cyrille Pailleret (ScientiFeet / Prodways) sont ainsi unanimes sur le fait de devoir aujourd’hui “casser les codes”, changer les mentalités, les habitudes, car il est possible de réussir en France ! Remettre le design dans les usines, sourcer de la compétence pour gagner en efficacité, recréer de la relation client mais aussi de la relation fournisseur intelligente, utiliser le dialogue social pour gagner en compétitivité , former et monter en compétences, co-industrialiser sont autant de façons de travailler qui répondent aux nouvelles demandes des clients.
Source: IFTH
Le 06/07/17