Toujours annoncée comme une nouvelle révolution industrielle capable de modifier profondément l’industrie textile du futur, l’impression 3D cherche pourtant encore ses marques sur le marché de la mode et de l’habillement. Et si les podiums des fashion weeks du monde entiers voient régulièrement défiler d’exceptionnelles et souvent sculpturales pièces imprimées en 3D, le passage à la réalisation de vêtements du quotidien semble encore du domaine du projet.
Quoique…certains projets pourraient bien donner des idées aux industriels sensibilisés à la demande de personnalisation et de production responsable des générations actuelles et futures.
La pionnière du vêtement imprimable reste sans aucun doute Danit Peleg. En effet, la designer israélienne est une des rares à avoir transformé son projet d’études en une collection de vêtements imprimés grâce à une imprimante 3D domestique, qui ont la souplesse et la résistance nécessaires à un usage quotidien. Elle a d’ailleurs créer la première boutique en ligne l’année dernière afin de commercialiser sa veste phare.
La startup française Endeer de Claire Chabaud et Anastasia Ruiz vient de lancer sa campagne de financement participatif sur la plate-forme Indiegogo, après avoir remporté plusieurs prix de l’innovation, dont le concours étudiant de Bpifrance #PitchTonInno ou encore la deuxième édition des Pitchs Startups du salon Add Fab à Paris. Incubées au sein de HEC à Station F, elles œuvrent activement au lancement de SHAPE, un soutien gorge à armatures imprimées en 3D et adaptées à la morphologie de chaque femme. Les premiers modèles devraient être livrés à partir du mois de septembre et sont disponibles à partir de 80€ dans le cadre de la campagne.
La plate-forme barcelonaise Fab Textiles propose une plateforme d’éducation et de recherche interdisciplinaire pour développer et mettre en oeuvre une nouvelle approche pour créer, produire et distribuer des éléments de mode. Elle a développé un top imprimé en 3D, dont le fichier numérique est open source (sur le logiciel Rhinoceros 3D) et peut être trouvé sur thingiverse, ainsi tout le monde peut utiliser et customiser le produit. Il faudra quand même compter 144 heures d’impression des pièces, sans compter l’assemblage. Car aujourd’hui, il faut encore beaucoup de temps pour créer un vêtement d’impression 3D.
La designer Julia Daviy , qui crée des imprimés en 3D entièrement biodégradables, utilisent la technologie d’impression 3D pour créer des tops, des robes, des jupes, etc., dans le but de rendre la production de vêtements plus durable, plus humaine, et plus accessible. Julia Daviy a vu l’émergence de l’impression 3D comme une opportunité pour limiter certains des coûts humains et environnementaux de la production de vêtements. Dans son
La designer Maria Alejandra Mora-Sanchez, de l’Université de Houston, a lancé l’année dernière un nouveau vêtement de mode en partenariat avec Cosine Additive. Sa robe extensible imprimée 3D Loom a d’ailleurs obtenu le prix Red Dot Design Award . Le processus de conception lui-même a été ponctué par l’expérimentation. La designer explique que, bien que sa méthode de fabrication initiale ait été l’impression par frittage sélectif au laser (SLS), la fabrication de filaments fondus (Fused Filament Fabrication, FFF) s’est finalement avérée être la meilleure voie. De même, Mora-Sanchez a testé plusieurs matériaux différents pour observer comment ses modèles auxétiques se comportaient et interagissaient, se fixant finalement sur le polyuréthane thermoplastique (TPU) qui présentait la meilleure combinaison de résistance élevée à l’abrasion, de performance à basse température, d’élasticité et de résistance élevées, et l’avantage supplémentaire de résistance à l’huile et à la graisse. Après des mois de tests, le dernier vêtement a été imprimé sur le système AM1 de Cosine Additive. Le résultat est une création innovante à la fois du point de vue de la mode et de la fabrication additive, une robe imprimable 3D extensible, adaptable, flexible et surtout portable.
La styliste Frances Murphy a utilisé la technologie d’impression 3D pour interpréter les structures textiles traditionnelles et d’expérimenter avec des matériaux tels que la soie, de développer différentes et de nouvelles techniques d’impression esthétique. Lors de son cursus au sein du Royal College of Art, Frances s’est intéressée aux structures textiles traditionnelles, comme le tricot, le tissage et l’impression, et a réfléchi à comment ceux-ci pourraient être interprétées grâce à la technologie d’impression 3D , tout en préservant l’esthétique originale des textiles traditionnels. Elle a approché la plate-forme de collaboration CREATE , partenaire du fabricant d’imprimante Ultimaker. Avec leur aide, la créatrice a été en mesure d’expérimenter de façon pratique différents matériaux, tels que la soie, et de développer de nouvelles techniques d’impression esthétique. Dans le cadre plus large de l’impression 3D, Frances Murphy examine l’utilisation de matériaux à base de bioplastiques et de cellulose pour développer des textiles imprimés 3D. En collaboration avec les praticiens qui développent des matériaux recyclés tels que le nylon, TPU, PLA pour les imprimantes 3D, Frances vise à sensibiliser les consommateurs aux nouveaux modes de production plus responsables.
La styliste allemande Babette Sperling a utilisé l’impression 3D pour créer une ligne de vêtements étonnants, écologiques, décorés en braille, qui ont été dévoilés en septembre dernier lors de la Mercedes Fashion Night. Elle souhaitait démontrer un certain nombre de choses: la mode imprimée en 3D peut être accessible (en termes de technologie), les vêtements imprimés en 3D peuvent être pratiques à porter, et peuvent tenir compte du développement durable. Pour intégrer les reliefs en braille, elle a collaboré avec BioInspiration , une start-up basée à Berlin qui développe des filaments flexibles d’impression 3D fabriqués à partir de matières premières compostables. Son WillowFlex a été utilisé non seulement pour imprimer du braille directement sur les tissus, mais aussi pour créer des boutons personnalisés pour les vêtements , et s’est révélé compatible avec toutes les imprimantes 3D utilisées dans son processus de test (Ultimaker, Flashforge et Makerbot).
Mingjing Lin, créatrice de mode innovante au sein du Royal College of Art de Londres ( RCA) , a développé des vêtements plissés et tissés résultants d’une combinaison des techniques traditionnelles avec des textiles imprimés en 3D fabriqués sur des imprimantes Sinterit LISA, par frittage sélectif au laser (SLS), en utilisant du polyuréthane thermoplastique. Certaines créations ont ainsi été portées lors de représentations de chanteurs de l’Opéra de Beijing . Ce projet de recherche a permis de créer un nouveau costume avant-gardiste, avec la même forme que les costumes traditionnels, mais utilisant des couleurs monochromes et moins d’embellissement, en harmonie avec l’esthétique contemporaine.
Également étudiante diplômée du Royal College of Art (RCA) , Lingxiao Luo a quant à elle développé de nouvelles techniques de fabrication combinant l’impression 3D et le tricot traditionnel. Ancien designer de vêtements pour enfants, Luo a créé un concept qui traduirait la nature fantaisiste des objets et produits de fantaisie conçus pour les enfants en produits fonctionnels et portables. Luo a ainsi expérimenté une variété de tissus et de filaments qui lui ont donné des finitions différentes :
- La première technique utilisée était l’adhésion. Cela impliquait l’impression 3D de motifs de mailles directement sur le tissu afin de fixer deux pièces de fil tricotées séparément.
- Deuxièmement, Luo a utilisé une méthode de feutrage qui lui a permis de tisser des motifs de filaments imprimés en 3D sur un tricot. Le matériau passe ensuite par le processus de feutrage qui mouille et rétrécit le tissu, produisant une structure tridimensionnelle.
- La dernière technique de Luo impliquait d’imprimer un filament souple tel que du TPE sur un tissu élastique tricoté serré.
Selon la société Stratasys, un des leaders du marché de l’impression 3D, certains jalons importants ont été réalisés dans ce domaine pour la mode, notamment l’introduction de la Stratasys J750, seule imprimante 3D multi-matériaux et couleur au monde. La créatrice Iris Van Herpen a notamment exploité cette technologie pour créer des conceptions géométriques complexes. Mais c’est une nouvelle technique, l’impression 3D PolyJet directe sur les textiles, qui porte les ambitions de Stratasys, sur la manière dont l’impression 3D peut réellement fonctionner en harmonie avec les textiles, plutôt que de savoir comment elle peut remplacer le textile lui-même. En combinant des matériaux textiles traditionnels avec des matériaux d’impression 3D créés numériquement, l’entreprise espère faciliter une intégration plus rapide de la technologie dans la conception textile.
A noter que récemment, l’impression 3D a joué un rôle dans une exposition intitulée « Lace to Meet You », organisée à la Textile Library de Hangzho
Les immenses possibilités de personnalisation offertes par l’impression 3D constituent un avantage important pour l’industrie. Les vêtements peuvent maintenant être créés pour s’adapter parfaitement à la taille et à la courbure de chaque partie du corps, permettant une véritable personnalisation. Cette capacité permettra sans doute également à l’impression 3D de se tourner vers d’autres domaines tels que les vêtements de sport et les soins médicaux (comme avec le projet Ma(t)isse par exemple).
Source: IFTH – 06/07/18