Parmi les nombreuses avancées technologiques opérées ces dernières années au sein de l’industrie textile, l’impression numérique, appelée aussi impression jet d’encre ou impression digitale, est sans doute ce que l’on peut appeler une r-évolution. Une évolution des techniques d’impression, et une révolution dans ce monde du textile. Et si sa généralisation n’est pas encore avérée, l’avènement de l’Industrie 4.0 pourrait bien accélérer sa diffusion avec la demande du consommateur recherchant des articles toujours plus personnalisés, voir même plus intelligents.
Un marché à fort potentiel
Dans les faits, selon une étude du cabinet conseil Smithers Pira , seuls 2,9 % du volume global du marché mondial des textiles imprimés (estimé à 30 milliards m²) ont été produits par impression numérique en 2016. Mais ce n’est pas le plus important: en effet, si elle reste minoritaire, cette proportion a doublé en seulement 4 ans, passant de 461 millions m² en 2012 à 870 millions en 2016 ! Et en 2021, le numérique devrait imprimer 1,95 milliard m² de tissu, soit quatre fois plus qu’en 2012 , alors même que la croissance moyenne du marché global des textiles imprimés, principalement par sérigraphie, n’est estimée qu’à environ 3 %. La concurrence est donc féroce pour ceux qui veulent se positionner sur ce marché à très fort potentiel de croissance. L’évolution du marché durant les cinq dernières années est essentiellement dûe à la mise sur le marché de nouvelle têtes d’impressions à très hautes performances, permettant à ces nouvelles imprimantes d’atteindre voire même dépasser la productivité des systèmes d’impression au cadre, et à de nouvelles encres dédiées. Les acteurs sont entrées dans une course effrénées aux grandes vitesse d’impression, comme c’est le cas de Brother avec sa toute nouvelle machine GTX-4.
C’est notamment le développement de l’impression single-pass (par opposition au multi pass ou scanning) , permettant d’atteindre des cadences d’impression élevées, qui fait bouger le monde de l’impression jet d’encre et qui permet de concurrencer l’impression rotative. Les deux dernières éditions du salon international des machines textiles ITMA ont d’ailleurs été l’occasion de découvrir acteurs qui se positionnent sur ce marché, comme SPGPrints B.V. (machine Pike®), Konica Minolta (machine Nassenger SP-1) et Atexco (Hangzhou Honghua Digital Technology, machine VEGA One), Flora Digital (Shenzhen Runtianzhi Digital Equipment Co., Ltd., machine Textra), Foshan Sanshui Yingjie Precision Machinery (New King Time), Hopetech Digital Co, Ltd (BD01/BD02), et Jilong (Rotary Screen and Digital Integrated Printing Machine).
Autre facteur d’acceptation de cette technologie, l’avènement du web2print, c’est-à-dire des applications web qui permettent de créer un lien direct entre les imprimeurs et les consommateurs, et qui permet un nouveau mode de personnalisation de ses produits textiles Acheter un t shirt en coton imprimé avec le motif que l’on a choisi via internet est donc très simple!
Signe du fort potentiel de ce marché, la société Epson, pionnière de l’impression numérique sur textiles, a annoncé en janvier 2017 la création d’un Laboratoire de Recherches et d’Innovation en Italie, axé sur la recherche et le développement de nouvelles technologies d’encres, conjointement avec l’entreprise italienne For.Tex, pour consolider le futur développement de la technologie jet d’encre d’Epson, dédiée à l’impression sur textiles.
Un des nerfs de la guerre, les encres
Les encres dispersées de sublimation sont les plus utilisées dans le domaine de l’impression numérique, avec plus de 50 % des parts de marché, car actuellement le marché est majoritairement destiné à l’impression du polyester, que ce soit par voie transfert ou par voie directe sur textile. Mais de nouveaux développements concernant les encres pigmentaires pourraient permettre d’élargir l’éventail de matières traitées.
Ainsi, lors de la dernière édition du salon spécialisé FESPA de mai 2017, de nouvelles encres pigmentaires ont été présentées, à base aqueuse et dédiées à l’impression numérique de textiles, et s’adaptant à plusieurs types de têtes d’impression. Ces développements témoignent de la volonté des fabricants d’encres de proposer des solutions les plus adaptées possible aux nouvelles technologies de têtes d’impression piézoélectriques, ceci afin de permettre aux imprimeurs de pouvoir atteindre la meilleure qualité et d’apporter de nouvelles possibilités très intéressantes pour les matières cellulosiques.
Le constructeur Mimaki a lancé durant l’été 2017 par exemple une imprimante hybride qui peut imprimer sur de plusieurs types de textiles (coton, chanvre, polyester, etc), simplement en changeant un paramètre logiciel. Les solutions d’impression directe sur textile d’une laize de 1,8 mètre, la Tx300P-1800 et la Tx300P-1800B , permettent de charger simultanément des encres à pigments (coton, chanvre) et des encres à sublimation à colorants (polyester) .
Un challenge intéressant, l’impression pour le smart textile?
Avec l’émergence des textiles intelligents sur quelques marchés cibles, comme le sport ou la santé, il est intéressant de pouvoir amener de la conductivité sur le support textile sans en altérer les principales caractéristiques, comme la souplesse, la flexibilité, ou le toucher. L’utilisation d’encres conductrices se développent ainsi de plus en plus, car c’est une alternative intéressante aux câblage électronique.
Par exemple, en France, Dracula Technologies propose sa technologie LAYER® (Light As Your Energetic Response), un dispositif photovoltaïque miniaturisé dont les cellules sont apposées par impression numérique (encres conductrices comportant des ingrédients organiques) sur une surface souple. Cette technologie souple, légère, durable et personnalisable permet de convertir tous types de lumière en énergie électrique. La start-up grenobloise Poly-Ink SAS développe quant à elle diverses gammes d’encres transparentes et conductrices à base de nanoparticules, afin de pouvoir imprimer des composants électroniques. Elle propose en particulier des formulations aqueuses à base de nanotubes de carbone, de polymères conducteurs, de nanoparticules d’argent, de nanofils d’argent et/ou de nanocristaux de cellulose.
Mais la concurrence est internationale sur ce secteur, avec par exemple le californien C3Nano, Inc. et ses produits Activegrid(TM) disponibles sur le marché. Un peu plus en amont, une équipe de scientifiques de l’Université de Duke propose une nouvelle technique permettant de pouvoir réaliser par impression numérique des circuits imprimés peu coûteux et personnalisables sur quasiment n’importe quel support. Les encres conductrices incorporent des nanofilaments d’argent, ce qui permettrait à leur conductivité électrique d’être 4 000 fois supérieure à celle des encres conventionnelles chargées avec des nanoparticules plus classiques. Elles créent de nouvelles possibilités pour la réalisation de cellules solaires, d’écrans d’affichage, de LED, d’écrans tactiles, de batteries, ou autres .
En France, des acteurs déjà bien équipés
Plusieurs acteurs de l’industrie textile en France ont anticipé le potentiel du marché, et ont investi dans l’impression jet d’encre depuis plusieurs années. Pour exemples, les Teintures et impressions de Lyon (TIL) se sont orientées vers l’impression à jet d’encre numérique au début des années 2000. La société MyDiTex s’est spécialisée dans l’impression textile sur mesure, pour des tissus d’ameublement et de décoration personnalisés. Les alsaciennes Colorathur SAS et Alsatextiles se sont également positionnées sur ce créneau porteur. Quant à Hugotag, spécialiste de la soie, elle propose des solutions haut de gamme d’impression numérique textile sur soie, coton, etc, pour les marchés du luxe.
D’autres travaillent pour intégrer la technologie, comme la société alsacienne Velcorex, spécialiste de l’ennoblissement, qui a mis l’impression numérique au cœur de sa R&D.Elle participe notamment à un projet ayant pour objectif de colorer les tissus grâce au jet d’encre et à l’utilisation de résines photoréticulables par rayonnement UV, qui permettront aux encres de coller au support par un simple flash. Objectifs : gains de productivité et respect de l’environnement.
Source: IFTH – le 04/12/17