Il y a un mois nous mettions en lumière une des tendances relevées par plusieurs cabinets d’études : en matière de consommation, l’âge a de moins en moins d’importance, et la mode semble confirmer ceci. En effet comme certaines marques l’ont perçu, tandis que la proportion de personnes âgées de plus de 50 ans ne cesse d’augmenter, la parole des « seniors » a toute son importance.
Ecouter les seniors
Cette parole Movitex, entreprise familiale du Nord de la France, et acteur historique du prêt à porter pour seniors, a su l’entendre. Fonctionnant principalement par vente à distance, l’entreprise a amorcé un virage tout à fait surprenant en collaborant avec des seniors de la région des Hauts-de-France pour mieux comprendre les attentes de la clientèle. Les collaborateurs de l’entreprise ont donc réalisé des entretiens avec des seniors, afin de discuter, échanger sur leurs désirs et besoins en tant que consommateurs, afin d’orienter la marque en ce sens. L’élément qui revenait le plus ? Le lien social.
Aussi, le projet, nommé Feelgood, a vu le jour en 2018 et a pour vocation de créer des lieux de vie pour les seniors, dédiés à plusieurs activités et donnant également accès aux produits des marques Movitex parmi lesquelles on compte Daxon, Balsamik ou encore Pédiconfort – mais également des marques partenaires du projet.
Cependant, comme le formulait Alice Pfeiffer pour Antidote, « à une époque […] où les cycles, les codes et les attentes sont chamboulés, est-il encore bien raisonnable de limiter un vêtement à une époque de la vie ? ». Est-il pertinent aujourd’hui de parler de mode “pour seniors” ?
Une mode sans âge
En effet, la journaliste pointe du doigt plusieurs aspects importants, avec tout d’abord l’abandon du mimétisme de la jeunesse, ainsi qu’une tendance à une mode sans âge, témoignant d’une “insoumission générationnelle” propre à plusieurs créateurs et artistes telles que Jean Touitou (fondateur de A.P.C), Pharell Williams ou Madonna. Porter du streetwear, des jeans, ou des baskets n’est plus l’apanage de la jeunesse ou de l’adolescence. Avec la part grandissante du sportswear, ces vêtements ne renvoient pas seulement le signe d’une jeunesse dynamique, mais surtout le signe d’un choix de vie orienté vers le confort et la mobilité.
Au cœur de ce défaut de représentation demeure une vision idéalisée de la jeunesse et des valeurs qui y sont associées : dynamisme, intelligence, créativité, mais surtout beauté. Certaines marques, telles que Damart, s’adaptent aux besoins d’une clientèle en mutation, celle-ci en déclinant sa gamme Thermolactyl en modèles transgénérationnels , pantalon « ventre plat », ou même en développant des vêtements connectés…les offres de la marque s’adressent aujourd’hui à la traditionnelle clientèle senior autant qu’aux jeunes seniors et aux millenials.
D’autres marques n’hésitent pas à faire défiler des personnes âgées, comme Vêtements en 2017 et à assumer le style, généralement plus classique, qui leur est associés.
L’âge et les caractéristiques qui y sont associés demeurent une construction sociale, désormais la majorité des marques prônent une forme “d’intemporalité” des pièces – certaines basculant cependant dans une forme de jeunisme, par exemple en faisant appel à des mannequins 2 à 3 fois plus jeunes que la moyenne de leur clientèle visée, posant la question des standards de beauté, et du culte de la jeunesse édifié par la société de consommation.
Si les frontières du genre sont de plus en plus floues, nul doute que les frontières entre classes d’âges promettent de même un potentiel fort de développement et de création pour les marques qui vont être en mesure de saisir les nouveaux schémas de représentation vers lesquels nous nous dirigeons.
-4/04/19-