“Rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme ” (Lavoisier)”
La nouvelle est tombée discrètement, au début de l’été. L’interdiction d’entrée sur le territoire chinois concernent 24 catégories de déchets solides, dont certains plastiques, papiers et textiles a été notifiée le 18 juillet 2017 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Pékin veut aussi fermer les nombreuses usines de recyclage les plus polluantes du pays pour privilégier des sites plus modernes, et a déjà renforcé ces derniers mois le contrôle de la qualité des déchets importés. Hors, avec la fermeture du débouché chinois, l’industrie textile craint un engorgement des volumes de déchets à recycler dans les pays d’origine. L’occasion de faire un petit point sur l’actualité du recyclage dans le secteur de la mode.
En France, dans son rapport d’activité 2016, l’éco-organisme Eco TLC annonce que 210.000 tonnes de textile ont été collectées (soit 3,2 kilos par habitant) en 2016, contre 195.00 en 2015, une hausse de près de 8 % en un an. La collecte passe toujours par des organismes solidaires, mais également maintenant aussi par des marques telles Bonobo, H&M ou encore Camaïeu. D’autres collectent se lancent dans le recyclage comme le groupe de prêt-à-porter Happy Chic (Brice, Jules, Bizbee) et son enseigne dédiée, Gentle Factory qui propose des références 100 % fabrication française, dont 30 % sont faites de fibre recyclée et 30 % de fibre biologique. De nouveaux acteurs comme la marque Les Récupérables propose des vêtements issus de tissus d’ameublement, de linge de maison, des fins de séries ou des usagés. Fondée en août 2015 , la jeune société Hopaal propose quant à elle des tee-shirts fabriqués à partir de déchets 100 % recyclés à partir de chutes de tissus et de bouteilles en plastiques usagées. Les clients peuvent aussi choisir de reverser 10 % du prix de leur achat à une association.
Mais si la volonté est là, les volumes restent encore très modestes. Actuellement, parmi les produits triés sur le territoire, près de 60 % connaissent une seconde vie dans des friperies ou revendus à l’étranger. Près de 32 % sont effilochés et finissent en chiffons d’essuyage, en matériaux de rembourrage ou en non-tissés pour l’isolation thermique et acoustique de bâtiments ou de véhicules. Le reste est majoritairement valorisé sous forme de combustible à hauteur de 7,5 % et 0,3 % ne l’est pas. Au final, seules 58.600 tonnes de textiles ont été réellement recyclées en 2016. L’émergence d’une véritable filière du recyclage textile n’en est encore qu’à ses débuts, et nécessite notamment plus de projets de R&D alors même que la recherche de nouveaux débouchés explose, à l’instar de matériaux d’isolation acoustique pour l’automobile ou d’articles de lingerie.
Ainsi, les idées ne manquent pas, en particulier dans le domaine de la mode et du vêtement au sens large. Preuve en est la toute récente annonce du partenariat innovant entre la Fondation H & M à but non lucratif et l’Institut de recherche sur les textiles et les vêtements de Hong Kong (HKRITA), qui a développé une solution novatrice pour recycler les textiles mélangés dans de nouveaux tissus et fils sans perte de qualité, grâce un processus hydrothermique. La technologie sera étendue et mise à la disposition de l’industrie mondiale de la mode. La découverte est annoncée comme étant une avancée majeure dans le parcours en boucle fermée pour les textiles. Le procédé hydrothermique utilise uniquement de la chaleur, de l’eau et un produit chimique vert biodégradable inférieur à 5%, à des mélanges de coton et de polyester indépendants. Cette méthode de recyclage fibreuse serait rentable, sans pollution secondaire dans l’environnement, ce qui permet de prolonger durablement la durée de vie des matériaux recyclés.
Toujours du côté des mélanges de matières, éternelle problème pour le recyclage des produits, une équipe de recherche finlandaise de l’Université d’Aalto a présenté au printemps 2017 un nouveau processus qui permettrait de recycler les vêtements en coton et polyester en fibres de type lyocell. Cette technique de recyclage issue du programme de recherche européen Trash-2-Cash est basée sur l’utilisation d’un liquide ionique (1,5-diazabicyclo[4.3.0]non-5-ene acetate) pour séparer le polyester du coton. Les deux composantes peuvent être alors réutilisées, la composante cellulosique produisant des fibres plus solides que les viscoses commercialement disponibles.
Dans le secteur du denim, un groupe de scientifiques de l’Institut de l’Université Deakin en Australie a récemment été nommé lauréat du Prix Global Change Fondation H & M pour le prototypage d’un processus qui utilise des vieux jeans pour en teindre de nouveaux. L’équipe a remporté un prix chez l’accélérateur d’innovation ainsi qu’une une subvention de 150.000 et une collaboration avec Accenture et KTH Royal Institute of Technology de Stockholm, pour aider à développer l’idée à l’échelle industrielle. Les chercheurs ont développé un process qui pulvérise le denim usagé et le transforme en particules ultrafines à imprimer sur un nouveau tissu non teint, ce qui réduit à la fois l’eau et de l’énergie utilisées dans la production et réduit les déchets. Actuellement seul le denim uniquement en coton non mélangé peut être utilisé pour ce process.
Autre idée, autre procédé: la société espagnole Unitin, marque de Industrias Morera SA spécialisée dans la teinture et la finition textile, a annoncé la mise en place d’un process destiné à recycler tous ses restes de coton Indigo sous forme de fil. La production de chaînes et trames indigo dans une machine continue et moderne génère une certaine quantité de restes (3% à 5% de la production totale ). Afin d’assurer que le fil aura la force appropriée pour être utilisé dans n’importe quelle application textile (tricots ou tissés), les restes de coton Indigo sont mélangés avec des fibres de polyester recyclées. Dans un premier temps, Unitin présente la gamme Ne 7/1 Pes / Cot 50/50 en 2 nuances sombres et légères. Des fils torsadés sont également proposés. Comme cette production est constituée de restes d’Unitin, seul un stock limité sera disponible pour les clients. Unitin propose également quelques ensembles de tissus durables fabriqués avec les nouveaux fils recyclés et des fils Tencel durables. L’utilisation du coton déjà indigo-teint élimine la nécessité de teindre le fil, en économisant de l’eau et de l’énergie. Le lavage final du vêtement exige également moins d’eau et de produits chimiques.
En Italie, la Maison de mode britannique Stella McCartney a quant à elle remplacé tous ses tricots en cachemire vierge avec des fils de cachemire Re.Verso remaniés. Le tissu est fabriqué en Italie à partir de déchets de production et offre ainsi une réduction de 92% de l’impact environnemental par rapport à cachemire vierge. En 2015, le cachemire ne représentaient que 0,13% de l’utilisation globale des matières premières de la marque, mais représentait encore 25% de son impact environnemental total calculé . En utilisant le cachemire Re.Verso pour ses besoins en cachemire en 2016, la société estime l’impact cachemire à 2% du total
En France, l’entreprise Filatures du Parc développe une quarantaine de qualités de fils qui s’adressent aux divers marchés de l’habillement, de l’ameublement et de l’industrie. Parmi ces grades de fils, 10 sont issus du recyclage et s’inscrivent dans l’économie circulaire. Spécialisée dans la filature cardée, l’entreprise produit environ 600 tonnes de fils chaque année, dont la moitié provient de la valorisation de textiles et vêtements usagés. Grâce à sa technologie brevetée de défibrage, l’entreprise est capable de séparer les différentes matières constitutrices des articles usagés. Elle avait notamment collaboré dès 2013 avec Le Relais et l’enseigne Bonobo du groupe de prêt-à-porter Beaumanoir pour développer la gamme de jeans Rebirth constitués de fibres de coton recyclées issues de jeans usagés, de fibres de polyester recyclé issu de bouteilles usagées et de fibres de polyester neuves. Un fil a même été développé avec de l’élasthanne pour développer des jeans de qualité « stretch ». Il serait également question de lancer des collections de pulls élaborés à partir de ces fils issus du recyclage.
A noter également l’existence d’initiatives telles que celle d’une jeune société baptisée le Tri, le Tricot, le Tricolore, créée par le fondateur de la marque de jeans made in France 1083, qui récupère la laine des pulls et des chutes de coupe chez des industriel, détricote, lave, refait des pelotes, et tricote de nouveaux pulls pour cette marque de produits conçus exclusivement en fibres recyclées .
Dans la continuité des efforts consacrés à la recherche, l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) prolonge son appel à projets «économie circulaire, recyclage et valorisation des déchets », lancé dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA). La date initiale de participation était prévue au 12 juin 2017, elle est désormais reportée au 2 octobre 2017. Les champs d’action de cet appel à projets s’étendent de l’écoconception au recyclage, en passant par la transformation des matières issues de déchets. L’organisme EcoTLC vient quant à lui de lancer un nouvel appel à projet de R&D le 1er septembre 2017, avec pour objectifs de favoriser l’éco-conception, de faire émerger de nouvelles applications en termes de recyclage, et / ou de permettre l’amélioration des différentes opérations pouvant entraîner une réduction des coûts de traitement. La date limite de dépôt de dossier est fixée au 31 octobre 2017.
A noter enfin qu’à l’international, la Fondation Ellen MacArthur a lancé une nouvelle initiative Circular Fibers qui regroupe les acteurs clés de l’industrie pour construire une économie circulaire pour les textiles, en commençant par les vêtements. L’initiative est soutenue par la Fondation C & A, les principaux partenaires corporatifs H & M et Nike, et un consortium d’organisations dont le Danish Fashion Institute, Fashion for Good, Cradle to Cradle et MISTRA Future Fashion. Les participants à l’Initiative sur les fibres circulaires travailleront ensemble pour définir une vision d’un nouveau système mondial des fibres. Dans un premier temps, le cabinet partenaire McKinsey & Co. travaillera sur une analyse et une cartographie de la façon dont les textiles circulent autour de l’économie mondiale et les externalités qui découlent du système actuel. Le premier rapport de l’Initiative devrait être publié à l’automne 2017.
Source: IFTH – le 13/09/17