La griffe italienne Dolce & Gabbana a annoncé qu’elle décidait d’étendre sa gamme de tailles au 50, en faisant ainsi la première grande marque de luxe à se lancer réellement dans le « plus size ».
La marque s’est également engagé à travailler avec des modèles grandes tailles dans ses futures publicités, communiquant largement dessus – cherchant probablement à faire oublier le scandale de sa campagne publicitaire de l’an dernier qui avait causé un boycott en Chine de la marque.
Les tailles « plus size » sont toutes les tailles allant du 44 et au delà. Si le terme lui-même mériterait qu’on s’y attarde, la création et le développement de vêtements non seulement adaptés mais aussi esthétiques, à l’heure d’une industrie du vêtement particulièrement standardisée, prennent de l’ampleur. Alors que 60 % des femmes en France s’habille en taille 42 et plus selon la dernière campagne de mensurations réalisée par l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH), la plus grande taille disponible chez de nombreuses marques de mode n’excède pas le 40 ou le 42.
Une ampleur qui apparaît comme un manque à gagner certain pour les entreprises. En effet, selon une étude de marché réalisée par le cabinet d’études NPD, et relayée par Fashionista les ventes de vêtements pour femmes « plus size » ont augmenté de +6% en 2016 . D’ici 2020, les chiffres générés par les ventes sur ce marché pourraient ainsi atteindre 24 milliards de dollars – et pour Ascena Retail, filiale de la marque Lane Bryant, l’opportunité de marché dans le monde pourrait même s’élever jusqu’à près de 53 milliards de dollars .
Tandis que l’industrie du prêt-à-porter a déjà bien saisi ce fait de société, l’enquête de Fashionista est révélatrice à bien des égards d’une absence de considération de la part de l’industrie du luxe pour les morphologies allant au-delà du 42. Des marques comme Balenciaga, Louis Vuitton ou encore Valentino annoncent des tableaux de tailles allant jusqu’au XL, voire XXL mais la plupart ne proposent pas la totalité de leurs pièces dans les tailles en question.
Pour Béatrice Tachet, doctorante à la Sorbonne « La catégorie de marché grande taille a du mal à être visible sur le plan symbolique comme sur le plan physique. Le marché manque de prototype qui puisse clairement le représenter. » La chercheuse, s’appuyant sur une étude qu’elle a menée, s’intéresse aux pratiques de catégorisation du marché de la mode, et de la déconsidération induite sur les consommateurs et consommatrices par le manque de représentation de morphologies différentes.
Une des raisons majeures de l’absence de tailles supérieures au 38, au-delà du coût – en effet le développement d’autres tailles impliquent de trouver des mannequins adaptés, de modifier les patrons, d’utiliser plus de tissus – réside dans l’idée reçue selon laquelle une grande taille équivaut à l’obésité, à la maladie, et donc ne colle pas aux standards esthétiques de l’industrie de la mode.
Des standards qui évoluent depuis plusieurs années cependant avec l’arrivée de plusieurs mannequins dites « grandes tailles » telles qu’Ashley Graham, Tara Lynn ou encore Robyn Lawley ou encore des marques telles que Prabal Gurung ou encore Christian Siriano, qui font progressivement bougé les lignes des tableaux de mesures, mais aussi un mouvement de société plus général vers l’acceptation des différentes morphologies et différences. La tendance est surtout « étatsunienne » cependant, avec une véritable incarnation du marché via des modèles ou influenceurs outre-atlantique, qui peinent à se frayer une place en France cependant. On peut par exemple citer le collectif All Sizes Catwalk, qui avait réalisé une action en début d’année en défilant au Trocadero en sous-vêtement pour promouvoir le « body positive ».
Même son de cloche du côté des retailers en ligne, avec Farfetch, Matchesfashion, ModaOperandi, ou encore Net-a-porter qui proposent une sélection réduite de vêtements et accessoires au-delà du XL ; pour l’instant seul 11Honoré a décidé de s’engager du côté de la vente en ligne de vêtements plus-size. Que ce soit en magasin ou sur internet, « l’offre grande taille est cachée ou présentée dans des espaces de second choix peu mis en valeur » pour Béatrice Tachet , avec des conséquences difficiles, impliquant invisibilité sociale et physique pour les femmes qui se sentent dès lors « dévalorisées » et « déconsidérées ».
-05/07/19-