Une visite sur notre site ou un oeil même distrait sur les fashion week du monde entier suffisent à comprendre : la mode est pleine de surprises. Vraiment pleine de surprises. Et comme en témoignent les différents hashtags régulièrement créés pour revendiquer le droit de ne pas être mannequin mais belles et heureuses tout de même, la mode est pour tout le monde. Qu’importe la taille, le poids, la couleur, les moyens ou la culture, les professionnels du secteur s’escriment pour n’oublier personne. Aussi, ce mois-ci a-t-on pu voir s’opposer deux actualités : d’un côté l’incompréhensible jean-string, de l’autre, l’annonce de la nouvelle collection pudique chez H&M. Autant on s’était habitués aux corps toujours plus dénudés, autant on s’étonne de les (re-)voir se couvrir. Pourtant, la mode pudique —modest fashion— s’impose comme une véritable tendance.
Conjuguer mode et pratique religieuse
Parce que ses premières esquisses s’adressaient plutôt au Moyen-Orient, la tentation serait grande de croire que la mode pudique n’est destinée qu’aux femmes de confession musulmane. Erreur. Biensûr, celles dont la religion impose de protéger des regards l’essentiel de leur corps trouvent leur bonheur dans ce nouveau créneau de plus en plus exploité par l’industrie de la mode. Car si dans certains pays musulmans les femmes portent des tenues austères, il n’en demeure pas moins qu’elles aiment la mode. Jusqu’à présent, les plus rigoureusement pratiquantes d’entre elles se contentaient de la suivre dans leurs espaces privés. Désormais, la mode pudique leur permet de conjuguer esthétisme et religion.
Au-delà de la confession
Mais comme nous le disions plus haut, en réalité la mode pudique concerne bien d’autres femmes. Face à des injonctions de perfection toujours plus fortes, des nudités banalisées, un érotisme souvent gratuit, nombreuses sont celles qui comme Valérie Bénita, co-fondatrice de la marque française Modeste, veulent “renouer avec une certaine retenue, retrouver du mystère”. Et n’en déplaise à Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des Femmes, qui avait estimé “irresponsables” les marques cédant à cette nouvelle demande. Il ne serait pas question ici de régression. Il ne s’agit pas de couvrir ou de cacher les corps, mais de leur rendre leur part de pudeur et d’humilité, et de “révéler leur beauté” explique Valérie Bénita. Si les formes ne sont ni moulées ni dévoilées, les modèles de cette modest fashion ne sont pas informes pour autant.
Une mode pudique mais élégante et prometteuse
Au contraire. Qu’il s’agisse d’enseignes spécialisées comme Modeste, à Paris, The Modist sur la Toile, de grands couturiers comme Dolce & Gabbana ou Oscar de la Renta qui ont sorti des collections spéciales, ou bien de grandes enseignes comme Mango, Marks and Spencer, Uniqlo ou H&M qui ont compris l’enjeu de cette mode pudique, la morosité n’est pas au rendez-vous. Les formes sont amples certes, mais les tailles sont marquées. Les cols sont couvrants, mais les coupes originales. Les manches sont longues, mais les couleurs chatoyantes et les tissus travaillés.
La polémique affaire du burkini semble loin derrière. La mode pudique gagne du terrain en s’éloignant de ses racines religieuses. Selon une étude Reuters de 2016, les dépenses des ménages pour la modest fashion dans le monde devrait presque doubler d’ici 2019. Elles atteindraient ainsi 484 milliards de dollars, soit un peu plus de 404 milliards d’euros.
Mai 2018.