Tandis que le mouvement des Gilets Jaunes continue ses manifestations, entre le 17 novembre 2018 et la fin du mois de l’année 2018, la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), présidée par Eric Mertz depuis décembre, estime la baisse d’activité à près de 19% avec plus de 25000 emplois menacés. Un climat inquiétant pour les petits commerçants, qui représentent près de 20% du marché et 60% des réseaux de vente, et pensaient pouvoir rattraper leur chiffre d’affaires lors des soldes d’hiver de début d’année.
Or, selon une étude de la fédération, sur les quatre premiers jours des soldes la fréquentation des boutiques a chuté de près de 10 %, et les ventes de 7,8 %. Sur les deux premières semaines, la fréquentation a reculé de 10,5%, et le chiffre d’affaires de 9,5%.
L’idée du “prix juste”
Eric Mertz pointe un problème structurel, avec d’une part la part grandissante de la fast fashion dans l’industrie, et de l’autre un secteur textile en crise. La tendance de fond allant à la déconsommation, la baisse constante du pouvoir d’achat ainsi que l’anticipation du prélèvement de l’impôt à la source contribuent également à ce problème.
Tandis que le secteur de l’habillement espérait combler ses pertes de la fin d’année 2018 avec les soldes d’hiver 2019, la réalité en a donc été toute autre. Quelles sont les solutions préconisées ? Pour Eric Mertz, il faudrait que « les prix, en matière de textile, soient fondés sur la valeur des articles et sur rien d’autre ».
Par la fixation d’un “prix juste” toute l’année, qui permettrait de garantir des marges, les petits commerces pourrait ainsi éviter un alignement peu nécessaire sur les tactiques commerciales des grandes enseignes dont le fonctionnement et les priorités diffèrent. Une solution qui pourrait s’avérer pertinente bien que symboliquement chargée, les soldes ayant été créés dans la seconde moitié du XIX siècle à Paris et constituant a priori un moment fort de l’année pour les consommateurs et les commerçants.
56% des Français considèrent que les soldes ne servent plus à rien
Une perception remise en cause, car désormais noyées dans l’inflation de promotions – entre ventes privées, soldes, Black Friday, et promotions flottantes – les soldes saisonnières peinent à provoquer l’émoi des consommateurs.
En effet, d’après un sondage Odoxa publié le 25 octobre 2018 et réalisé pour Emakina et BFM Business, avec la multiplicité des promotions, les Français sont désormais une majorité de 56% (+15 points en 8 ans) à considérer que les soldes ne servent plus à rien.
A cela s’ajoute des habitudes d’achat de plus en plus digitalisées, le sondage avançant également que 87% des Français considèrent que les produits ont tendance à être moins chers sur Internet. Cette culture de la promotion et la conviction qu’il est désormais possible à tout moment de l’année de faire une bonne affaire en ligne, crée de multiples difficultés pour les commerçants qui moins présents sur les plateformes d’e-commerce subissent la comparaison des prix sur internet et en magasin, qui peuvent quelque fois différer.
No soldes : un engagement pour de nombreuses marques
La volonté dont témoigne Eric Mertz est cependant présente depuis quelque temps dans les esprits de nombreuses marques : côté luxe, comme par exemple chez Givenchy, mais également chez des créateurs ou des marques prônant une fabrication et une consommation éclairée.
Ainsi la créatrice d’accessoires Amélie Pichard, ne pratique pas de soldes. Prônant un discours centré sur une consommation réfléchie, la préservation des savoir-faire ou encore l’utilisation de matériaux peu polluants ou innovants, la marque fait le choix de ne pas solder ses produits en renonçant notamment au wholesale et en lissant ses prix. En parallèle de cela, un site de petites annonces a été développé, permettant aux clientes de revendre, acheter et échanger entre elles les produits Pichard, et où sont également vendues les paires “presse”.
La marque de basiques intemporels Maisons Standards ne pratique pas non plus de soldes. Proposant un vestiaire plutôt que des collections saisonnières, la marque a fait le choix de mettre en place une production calibrée. En réduisant le nombre d’intermédiaires ainsi que les marges, et en proposant un modèle de vente en direct via leur plateforme e-commerce et leur showroom parisien, la marque affirme l’idée d’un prix juste, le plaçant au coeur de l’ADN et de la stratégie de la marque. De même pour la marque Jules et Jenn, qui se revendique de la slow fashion, une vision d’une mode plus durable, écologique, basée sur l’idée qu’il faut acheter moins mais mieux.
Le discours est le même pour la marque Loom qui propose des vêtements “faits pour durer“, et s’engage sur la fabrication de ses produits, allant jusqu’à recueillir l’avis du consommateur pour perfectionner ses collections et éviter le gâchis. Pour la marque, les soldes sont “une façon superficielle de faire acheter plus” au consommateur – et non plus un moyen de destocker.
De manière plus surprenante, H&M, a également annoncé souhaiter réduire le nombre de promotions. Martino Pessina, nouveau directeur pour H&M Amérique du Nord, considère que les promotions “tuent la créativité”. Pour résoudre le problème d’invendus et donc de soldes, les solutions avancées par M. Pessina dans une interview au magazine Business Insider consisterait à tout d’abord repenser la gestion de stocks, proposer des vêtements plus pertinents et surtout à réduire le temps menant de l’idée au produit fini.
Préoccupations éthiques, écologiques, ou plus simplement, l’idée des soldes semble progressivement perdre de sa superbe, tant aux yeux des consommateurs que des marques, posant la question de son utilité dans une ère digitalisée, où les plateformes de vente de seconde main telles que Vestiaire Collective ou Vinted prennent également de plus en plus d’ampleur.
-06/02/19-