L’arrivée de la 3D dans les jeux vidéo remonte au début des années 1980. Encore balbutiante, la 3D offre alors déjà un univers interactif et immersif. Rapidement, les technologies de modélisation en 3D vont permettre de rendre la texture des surfaces de plus en plus réalistes. Mais ce sont les années 2000 qui verront enfin la 3D connaître un “boom spectaculaire” avec l’avènement des nouvelles cartes graphiques ultra-performantes.
Les passerelles entre deux univers, celui jeux vidéos et celui de la mode, ont été élaborées devant leur potentiel de développement commun . Le jeu vidéo mise sur un esthétisme et un réalisme de plus en plus poussés pour séduire les gamers, en choisissant une mise en valeur des vêtements, des textures, des matières…. L’industrie pariant sur une personnalisation grandissante et paradoxalement une accélération des flux de production a trouvé dans l’univers de la 3D de quoi satisfaire les envies d’expériences de ses clients, mais aussi une nouvelle manière de concevoir de manière plus économique et plus durable ses collections.
C’est avec cet objectif en tête que Benjamin Quintero a fondé la start-up technologique Krobady, qui développe des solutions virtuelles 3D innovantes et , qui s’adresse aux marques de mode un message simple: “Révolutionnez votre processus de développement de collections, augmentez votre précision, réduisez vos délais et améliorez vos capacités de création“. Un vrai tremplin vers la mode 4.0 !
DE L’IDEE A LA CRÉATION DE KROBADY
Benjamin Quintero travaille dans le milieu de la mode depuis plus de 25 ans. Alors qu’il rend visite à un ami en Espagne en 2015, l’idée de Krobady lui vient : « Mon ami travaille dans la conception de jeux vidéo. Il m’a expliqué en quoi consistait son quotidien en me montrant des logiciels 3D utilisés pour créer des avatars. » C’est bien en voyant ces avatars entièrement habillés que Benjamin a l’idée de combiner la technologie de virtualisation 3D avec la réalisation des patronages de vêtements.
Un premier constat est rapidement dressé : la communauté conceptrice des logiciels et de la création 3D partage énormément de savoir-faire. « Je me suis renseignée sur internet car de nombreuses personnes partagent leurs connaissances. Il y a des sites spécialisés sur lesquels des professionnels enseignent des méthodes pour arriver à faire des présentations époustouflantes. ». Grâce aux tutoriels et aux partages, Benjamin se forme empiriquement et rapidement sur plusieurs suites logicielles spécialisées 3D afin de mettre en place son idée et de créer Krobady.
Aujourd’hui, l’équipe de Krobady travaille toujours avec 3 logiciels de 3D initialement développés pour les jeux vidéo. Ces logiciels permettent de créer des avatars, des modèles virtuels les plus réalistes possibles. « Il existe des logiciels pour la mode et les patronages qui commencent à intégrer de la 3D mais ils ne sont pas aussi performants que ceux des jeux vidéo avec lesquels il est plus facile de créer des patronages. »
UN SEUL OBJECTIF: SOUTENIR LES INDUSTRIES DE LA MODE
Le milieu de la mode a beaucoup évolué à travers le temps. Mais classiquement, lorsqu’un un styliste souhaite créer un vêtement, il réalise une esquisse, monte le dossier technique puis crée la pièce prototype avec l’étoffe, les accessoires, etc, et apporte ensuite les modifications nécessaires jusqu’à la validation finale. Un process relativement long, coûteux, générateur des déchets textiles… S’est ainsi installée dans le temps ce que Benjamin Quintero appelle « la culture de l’erreur ». « Le dossier technique était élaboré avant la première pièce et une fois celle-ci produite, il fallait faire des modifications jusqu’à la validation du produit. Quand le dossier technique était fait, nous étions déjà sûrs que la première ne sera pas correcte. »
Krobady est dédiée à aider les entreprises à développer leur collection à partir de leurs premières esquisses réalisées par les stylistes jusqu’au moment où la production démarre. Krobady aide à valider les patronages en vue de la production. « Nous développons les esquisses de nos clients dans un logiciel 3D. Nous faisons des moulages virtuels sur des avatars, puis réalisons les patronages directement sur les logiciels. »
Le plus important pour Krobady est de donc créer des avatars qui ont les mesures d’un corps humain les plus proches de la réalité. Avec les avatars, les artistes qui travaillent pour Krobady peuvent travailler avec précision pour déterminer comment doit tomber la pièce textile. Les petits détails peuvent être modifiés avec la 3D plus rapidement et facilement que d’ordinaire. « Avec la 3D, nous savons que le patronage que nous allons rendre à notre client va être à 90% correct. Cela permet aux marques de gagner beaucoup de temps sur la création de leurs collections car il n’y a pas besoin de corriger le dossier technique à chaque modification, de modifier le prototype en réel… »
Et pour aller encore plus loin, au-delà des patronages, les solutions développées par Krobady permettent également de réaliser des présentations 3D, des collections de types défilés virtuels, des “présentations 360°”.
VERS UNE TRANSFORMATION EN PROFONDEUR DES MÉTIERS DE LA MODE ?
Si ce service s’inscrit peut-être encore d’une démarche avant-gardiste, et alors même de grands industriels du textile et de l’habillement ont déjà intégré, au delà de la CAO et dans leur chaîne de fabrication, des solutions logicielles leur permettant de construire leur stratégie 4.0 pour la mode de demain, certains acteurs restent réticents devant une telle évolution. En effet, plusieurs marques semblent craindre que ce type de service numérisé, et plus largement la 3D et la virtualisation, puissent à terme remplacer les stylistes et modélistes. Autre problème, la croyance en l’idée que ce type de logiciels ne puissent correspondre qu’à des entités de taille importante, avec des moyens financiers conséquents.
Or il s’agit vraiment d’une évolution et transformation des savoir-faire, d’une nouvelle complémentarité entre les hommes et les ordinateurs. « Un ordinateur reste une machine qui ne réfléchit pas. Elle ne possède pas de sens créatif. Il y aura toujours besoin d’un humain à la source de l’idée et derrière la machine pour valider ou non une pièce. L’ordinateur n’est qu’en réalité une assistance technique qui permet d’économiser du temps. » Krobady souhaite donc maintenant faire connaître ses savoir-faire auprès d’un plus grand nombre, afin de lutter contre les idées reçues, et faire de plus en plus la preuve de l’intérêt, de la facilité d’intégration, et de l’accessibilité de la 3D pour les PME autant que pour les grandes entreprises leader de la mode.
C’est une nouvelle façon d’appréhender la création de vêtements qui se met inexorablement en marche. Et si la 3D ne pourra sans doute jamais complètement remplacer le processus de conception du vêtement car le toucher, la “main” du tissu, reste l’apanage des sens humains, la récente période de confinement et l’avènement de la dématérialisation des collections, des défilés, et de l’e-commerce n’est qu’une preuve de plus que la combinaison des savoirs et savoir-faire, traditionnels et numériques, est le fondement irréfutable de cette mode 4.0 qui se veut plus flexible, plus écologique, plus personnalisable, de manière plus générique plus durable.
-23/07/2020-
Visuels : Krobady