- En France, plus d’une entreprise sur deux aurait déjà été confrontée au problème de la contrefaçon
- Selon le Centre for Economics and Business Research (CEBR), la contrefaçon pour le marché français représenterait chaque année un manque à gagner de l’ordre de 0,3 % du PIB, soit 7,3 milliards d’Euros ou l’équivalent de plus de 26 000 emplois.
Ce phénomène est un véritable fléau, portant préjudice :
- aux entreprises : perte de parts de marché, dévalorisation de l’image, perte des coûts liés à l’innovation et au marketing
- aux consommateurs : tromperie sur la qualité, risques sanitaires et sécuritaires, pas de garantie, pas de service après-vente
- aux Etats : perte d’emplois et coût social, pertes fiscales, non-respect du droit et criminalisation de réseaux
L’arrivée des éditions 2018 des grands salons professionnels de la mode et du textile comme Première Vision Paris, qui ont fait les frais de la contrefaçon par la passé et qui ont décidé de se fermer de plus en plus afin de lutter et de protéger les marques, rappellent toute l’importance de réfléchir aux solutions dont le secteur de la mode et de l’habillement dispose. Car au-delà du dépôt de marque, si le « produit inspiré de » et le “faux grossier” peuvent être attaqués pour concurrence déloyale, les copies conformes nécessitent le recours à une expertise pour prouver la « contrefaçon vraie ». L’occasion de faire le point sur quelques récentes avancées en matière de traçabilité et de lutte contre la contrefaçon.
Trois niveaux de marquages
Selon le niveau de protection recherché par la marque, il existent des solutions techniques et technologiques de marquage adaptées :
- Marquage de premier niveau : accessible à tous, il consiste en un motif, marque, logo, etc. difficile à reproduire et constituant la “signature” du fabricant, et fait appel à l’identification sensorielle (toucher, ouïe, vision, odorat)
- Marquage de deuxième niveau : il nécessite un appareillage de détection simple, utilisable sur les points de vente, par les douanes, ou lors d’une perquisition (ex : code barres magnétique ou invisible, marquage luminescent, fil magnétique, support RFID…), et permet simplement de détecter le faux “grossier”.
- Marquage de troisième niveau : il utilise un système de codage (ADN de synthèse, marqueurs à base de terres rares…), constitue une preuve absolue, si le code a été déposé préalablement (enveloppe Soleau, dépôt chez un huissier..), et nécessite souvent une analyse en laboratoire pour le faire expertiser
Quelques solutions choisies par les marques
La maison de mode Vanessa Bruno, qui propose des sacs, des cabas, des vêtements et des accessoires conçus par la créatrice éponyme, travaille avec la jeune société parisienne Gemetiq Technologie. Sa technologie de transpondeur sans contact NFC (Near Field Communication) intégrée dans une griffe ou étiquette textile permet de vérifier un certain nombre de données via un lecteur NFC ou un simple téléphone portable, affichant les informations prouvant l’authenticité de la pièce. Les marques ont aussi accès aux informations nominatives des clients et peuvent suivre les changements de propriétaires de l’article. Un développement pilote est mis en place avec Vanessa Bruno pour valider la faisabilité de son concept et l’améliorer.
La célèbre marque de jean’s Diesel s’est quant à elle associée à Certilogo, spécialiste de l’authentification de produits, pour permettre aux consommateurs de vérifier l’authenticité d’une paire de denim Diesel avant de l’acheter. Depuis fin 2017, tous les denim Diesel doivent afficher le code Certilogo sur une étiquette thermo-imprimée à la ceinture avec la phrase «Scan for Authenticity». Les consommateurs peuvent recevoir une confirmation rapide et gratuite que le produit est authentique de trois façons simples : en balayant simplement le code avec un lecteur QRcode standard sur smartphone, avec l’application Certilogo dédiée personnalisée pour Diesel, ou en enregistrant et entrant le code produit CLG chez certilogo.com.
Plus simplement, la marque Canada Goose conseille à ses clients de consulter son site Web , qui comprend un outil de recherche d’URL pour vérifier si un site est un marchand autorisé. La société oriente le client sur les détails à vérifier sur ses produits pour en vérifier l’authenticité: faute d’orthographes dans le logo, défauts de couture, piètre qualité de la fourrure,etc. L’automne dernier, la marque a ajouté une étiquette hologramme à l’intérieur de ses vestes comme test supplémentaire d’authenticité. Le fabricant de doudounes Moncler a également établi un département de protection de la marque qui comprend un site web d’information des consommateurs sur les produits contrefaits.
D’autres marques de luxe, comme Balenciaga, Burberry ou encore Chanel, ont choisi la solution proposé par la startup new yorkaise Entrupy, qui a développé une application mobile permettant d’identifier en quelques instants la provenance d’un produit de luxe. Développée après quatre années de R&D, elle compare les images des produits de luxe à une base de données de millions de photos microscopiques permettant d’authentifier les produits. Selon la société, le système dispose d’une précision d’authentification supérieure à 96,4%. Pour mettre en place cette application révolutionnaire, Entrupy a levé environ 2,6 millions de dollars.
Des développements en cours sur le fil
La banque d’investissement Bpifrance soutient la start-up grenobloise Primo1D qui travaille sur le projet Thésée pour poursuivre le développement de sa technologie de micro encapsulation de puces électroniques RFID dans le fil des textiles et des vêtements. Cette puce est intégrée dès la conception du vêtement et fonctionne de façon invisible, durable et lavable.
Autre développement, un système de codage par fil utilisable pour suivre les textiles tout au long de la chaîne d’approvisionnement a été développé par une équipe de chercheurs de l’Université de Borås en Suède. Les fils codés fonctionnent comme un «tampon optique» sur la surface d’un tissu tissé ou tricoté, qui est introduit pendant le processus de tissage et reste une partie intrinsèque du produit textile qui ne peut pas être enlevée. Les fils sont codés en utilisant des caractéristiques optiques à base de torsion et peuvent être conçus de sorte que chacun soit unique. L’équipe de chercheurs les mettent à l’épreuve dans le monde réel, tels que les traitements de lavage difficiles, ainsi que l’utilisation d’un algorithme de décodage pour extraire l’information codée dans les balises.
Des colorants innovants grâce au graphène
La société Haydale a déposé une demande de brevet au Royaume-Uni pour sa technologie anti-contrefaçon PATit, qui utilise des codes logiciels propriétaires et une encre conductrice transparente à base de graphène. L’encre à base de graphène, transparente, peut être imprimée sur des produits puis «lue» par un appareil type smartphone ou tablette pour prouver leur authenticité. Le groupe de matériaux avancés a déclaré qu’il voulait cibler initialement le marché anti-contrefaçon, qui devrait doubler au cours des quatre prochaines années pour atteindre plus de 200 milliards de dollars américains d’ici 2021.
Autre solution à base de graphène: la société Dotz Nano livrera des étiquettes microscopiques anti-contrefaçon, probablement aux Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo, dans le cadre de la première commande importante de l’entreprise. Celle-ci porte sur sa solution Graphène Quantum Dotz (GQD) bleu et vert à utiliser pour les colorants d’impression anti-contrefaçon. Elle est basée sur des particules de taille microscopique qui sont fluorescentes lorsqu’elles sont exposées à la lumière UV. Lorsque la taille de la particule est modifié, la couleur fluorescente change également.
Tracer le produit jusqu’au coeur de la fibre
Une équipe tchèque de l’Université Palacky d’Olomouc au sein du Centre Régional des Technologies et Matériaux Avancées (RCPTM) a mis au point une nouvelle méthode pour vérifier l’authenticité de certains produits, éventuellement de textiles. Le principe du système Key-Lock, présenté comme étant simple, rapide et fiable, consiste à incorporer au sein du produit à authentifier une molécule chimique naturelle en très faible quantité qui va servir de verrouillage (Lock). Ce verrou va s’ouvrir lorsqu’il sera mis en présence d’une clé spécifique (Key) constituée de nanoparticules magnétiques (oxyde de fer) et de nanoparticules d’argent, ce qui permettra d’authentifier le produit.
Applied DNA Sciences, fournisseur d’une technologie anti-contrefaçon et anti-vol basée sur l’ADN, espère exclure l’exploitation humaine dans l’industrie du coton en fournissant des services de marquage et d’authentification moléculaires aux marques et aux détaillants. La plate-forme est basée sur un biomarqueur, un marqueur moléculaire SigNature T, appliqué au point de départ là où le coton est cultivé, et
A partir de février 2018, Applied DNA Sciences proposera un programme bêta de GenoTyping aux marques et aux détaillants intéressés à identifier le pays d’origine dans les cas de substitution de fibres de coton. Le programme bêta de GenoTyping utilise une bibliothèque connue de biomarqueurs qui désignent l’empreinte génétique du cultivar de coton, y compris le genre, l’espèce et l’un des 70 génotypes géographiques-cultivar-dépendants différents. En 2017, Applied DNA a identifié deux biomarqueurs pour le coton d’Ouzbékistan et a continué à faire progresser ses tests d’ADN et à élargir la validation du programme de GeoTyping.
A plusieurs on est plus forts
Le groupe français de luxe Kering et le géant chinois du e-commerce Alibaba ont décidé de travailler ensemble, depuis le 3 août 2017, contre les contrefacteurs nuisant aux droits des marques de Kering. Alibaba.com, premier site mondial de vente en ligne à destination des entreprises, avait été précédemment poursuivi aux Etats-Unis par certaines grandes marques internationales pour promotion de produits contrefaits. En mai 2016, Alibaba Group Holding Ltd avait été même été retiré de la Coalition internationale de surveillance de la contrefaçon (IAACC). La société s’est à son tour retournée contre certains de ses vendeurs peu regardants.
En 2017, un courrier signé par 80 grandes marques internationales et adressé au Président de la Commission Européenne, relatif à l’ampleur inquiétante de la contrefaçon. Il est en particulier reproché à la Commission Européenne de ne pas prendre suffisamment de mesures pour contrer ce fléau, notamment avec la multiplication des plateformes de vente sur internet. Bien que de nombreux filtres et dispositifs de contrôle aient été mis en place par rapport aux modes de vente conventionnels, la digitalisation du commerce mondial doit pousser à un ajustement spécifique de la directive sur la propriété intellectuelle (directive IPRED, Intellectual Property Rights Enforcement Directive) instaurée en 2004.
En France, la lutte s’organise également avec un récent partenariat signé entre les la gendarmerie national et les instances de représentation de la filière du textile, dont le Défi, l’Union des industries textiles, l’ Union française des industries mode et habillement, la Fédération française des dentelles et broderies, et le salon Première Vision. Résultat: aujourd’hui, 27 responsables nationaux et régionaux de la Gendarmerie sont formés aux enjeux de la lutte contre la contrefaçon, et 50 gendarmes et 60 magistrats sont également qualifiés pour agir sur le terrain.
Source: IFTH – 31/01/18
Plus d’infos sur les chiffres de la contrefaçon:
- http://www.oecd.org/fr/industrie/les-echanges-mondiaux-de-produits-contrefaits-s-elevent-apres-de-500-milliards-usd-par-an.htm
- https://www.inpi.fr/sites/default/files/reperes_lcc-170215.pdf
- https://www.visiongain.com/blog/index.php/anti-counterfeit-packaging-technologies-market-report-2016-2026-top-companies-in-pharmaceuticals-food-beverages-personal-care-electronics-apparel-handbags-wallets-watches-jewellery-tobacc/