Il y a peu nous vous expliquions l’importance des magasins d’usine dans la gestion de stocks des marques de prêt-à-porter. Dans leur sillage, les ventes privées. Depuis une dizaine d’années, elles sont partout. Mais connaissez-vous vraiment ce marché ? Quel est le principe ? Quel est l’intérêt ? Quels sont les pièges ?
Tout le monde y gagne
Les ventes privées sont apparues relativement récemment dans le commerce moderne. Il s’agit à la base de proposer de la marchandise à une partie seulement de sa clientèle. Pour ce faire, les conditions d’accès sont limitées. Pour bénéficier de ses ventes à tarifs préférentiels, il faut en effet y avoir été invité, par la marque ou par parrainage, le plus souvent récompensé, et même parfois, payer une cotisation. Ces ventes privées s’étalent sur un laps de temps très court. Elles excédent rarement trois ou quatre jours et s’organisent dans quelques boutiques seulement, voire dans des espaces dédiés.
Ainsi, tout le monde y gagne. Les clients s’offrent des pièces qui leur sont inaccessibles en temps normal ou en achètent plus que ce qu’ils pourraient se permettre autrement. De son côté, la marque écoule ses stocks et draine une clientèle qui ne serait pas venue jusqu’à elle sans ce recours, sans pour autant dégrader son image. Enfin, les intermédiaires, c’est-à-dire les spécialistes du déstockage et ventes privées prennent quant à eux une commission.
Quand les acteurs de la vente privée flirtent avec la loi
Les bases sont posées. Et elles sont relativement respectées dès lors qu’il s’agit de ventes privées organisées par les marques elles mêmes. Cela fonctionne de façon assez similaire lorsqu’elles font appel à des destockeurs. Les pièces qui n’ont pas trouvé preneur, celles de second choix, les restes de la collection précédente, les commandes clients annulées, des commandes fournisseurs trop importantes ou bien encore issues de magasins sinistrés, trouvent une deuxième chance d’être vendus au cours de ses ventes privées. Et c’est là tout ce que l’on est censé pouvoir y trouver.
Dans les faits, c’est un peu différent. Car les ventes privées ont évolué avec leur temps. En 2001, Jacques-Antoine Granjon, ancien destockeur professionnelle a senti le filon et a lancer un site de ventes privées en ligne. Aujourd’hui, son site, vente-privée.com est le leader du marché. Seule ombre au tableau, la notion de vente privée n’existe plus vraiment. Car souvenez-vous, pour bénéficier de cette appellation, la marque qui organise ce type de vente doit limiter sa cible à seulement quelques clients. Or, vente-privée.com, tout comme la multitude de concurrents qui lui ont emboîté le pas, est ouvert à tous. Il s’agit donc en réalité de simples ventes évènementielles.
Gare aux fausses bonnes affaires
Autre hic, les marchandises distribuées sur ces sites sont pour certaines pas vraiment conformes à ce qu’il est autorisé d’y vendre. En dehors de la contrefaçon qui peut parfois s’y glisser, il est aussi apparu que le succès des ventes privées en ligne ont incité certaines marques à faire fabriquer des “sous-collections”. Ces produits de moins bonne qualité ressemblent à s’y méprendre à ceux effectivement vendus en boutiques. Mais ils reviennent beaucoup moins cher. Pourtant, le prix de référence affiché sur les ventes privées concernées est celui du produit d’origine. La ristourne paraît alors encore plus alléchante et décuple le plaisir de la bonne affaire pour les clients. Une duperie d’autant plus redoutable que les sites de ventes privées misent beaucoup sur l’achat d’impulsion. Celui-ci est même encouragé par un panier qui se vide au bout de quelques minutes s’il n’a pas été validé.
Illégal ? En réalité, pas vraiment. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, les ventes privées sont relativement peu encadrées. La réglementation est quasi inexistante sur le domaine. En dehors de la cible qui doit être restreinte, et de l’interdiction de la vente à perte, la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes résume la situation dans le documentaire sorti il y a 7 ans, Ventes privées, un marché de dupes : “Rien n’est interdit. Les entreprises sont libres de leur stratégie, on ne peut rien dire.” Et ce d’autant moins que depuis le 4 août 2008, la loi de modernisation de l’économie a levé les derniers verrous quant aux ventes privées en cessant de les considérer comme des soldes illicites, et par la même, comme une pratique déloyale.
Mars 2018